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Mami, Mario Banushi, mis en scène par Mario Banushi, Gymnase du Lycée Aubanel, Festival d’Avignon In

Juil 21, 2025 | Commentaires fermés sur Mami, Mario Banushi, mis en scène par Mario Banushi, Gymnase du Lycée Aubanel, Festival d’Avignon In

 

© Christophe Raynaud-Delage

ƒƒ article d’Emmanuelle Saulnier

Mami est un théâtre sans parole, ponctué de quelques cris, un théâtre de l’image et de l’imaginaire. L’imaginaire du spectateur nourri par l’auteur et metteur en scène gréco-albanais Mario Banushi. Il rappelle pour chacun, encore plus que pour la majorité des spectacles des visions, souvenirs, histoires propres. Sans la conduite du verbe, le lâcher prise semble plus grand, et paradoxalement l’attention se fait plus aiguë sur le rapport à la scénographie et à la mise en scène dont la richesse en l’occurrence capte l’attention sans répit. Des vertus du silence au théâtre… même si cette pièce est loin d’être dépourvue d’ambiance sonore (la musique et le son Jeph Vanger qui participent beaucoup à l’étrangeté du spectacle). Des images qui surprennent et interrogent, et qui sont truffées de références.

Photographiques peut-être. Cette route terreuse qui serpente dans la lumière irrégulière d’un lampadaire faiblard au sommet d’un poteau électrique en bois devant une maison éclairée de l’intérieur, peut évoquer le travail du photographe américain Todd Hido que l’on peut d’ailleurs voir aux Rencontres d’Arles cette année et dont le titre de l’exposition (Les présages d’une lueur intérieure) peut tout à fait correspondre à l’atmosphère de départ de Mami. La suite se fait plus humaine et mystérieuse, avec cette femme en chemise de nuit blanche, qui lui donne un air hagard et blafard, sortant de ce cube de parpaings sans crépis, pour aller jeter un sac poubelle avant d’y retourner et coincer le bas de sa robe dans la porte, piégeant le spectateur se désolant, s’il est bienveillant, d’une maladresse de l’actrice, qui était en réalité un leurre ou le premier tour de magie du scénographe. Car cette femme ressort quelques secondes après avec quelques décennies de plus…

Des citations théâtrales surtout. Castelluci semble hanter cette création. A la fois par ses références christiques dans plusieurs scènes (la tête penchée d’Eftychia Stefano sous le voile et sa crucifixion plus tard) et plus largement chrétienne (image de la piéta ; forme d’icône dans le positionnement du tulle rose autour des corps du couple ; figures d’Adam et Eve et péché originel à travers l’orange remplaçant la pomme, agrume symbolisant la fertilité dans de nombreuses cultures…), mais aussi par celle du soin filial apporté à l’aîné. Dans Le concept du visage du fils de Dieu, c’est le fils qui lavait les fesses de son père, lequel n’avait pu se retenir dans son appartement immaculé et lui remettait une couche ; dans Mami c’est le fils qui nettoie sa mère sur son lit avec beaucoup d’attention, de douceur, de bienveillance et lui remet une protection avant de la nourrir lentement portant patiemment des cuillérées à sa bouche.

Mami c’est la mère. Celle de l’artiste, celle de la mère de l’artiste et toutes les autres. Et peut-être même celles qui ne sont pas mères, mais qui sont des femmes qui prennent soin, qu’elles aient ou non enfanté ou des femmes qui rejettent ou bousculent leur progéniture. Et aussi et surtout, il s’agit d’exposer les douleurs des mères ; à commencer par celle de l’enfantement. Le premier accouchement se déroule dans des cris déchirants, qui fait se soulever la cabane de parpaings ; une douleur qui n’a ni d’âge, ni de frontière, dans un lien unissant toutes les religions monothéistes à commencer par la religion chrétienne : « Tu enfanteras des fils dans la douleur » indique la Genèse pour signifier le châtiment divin du péché originel. Le second accouchement ensuite, spectaculaire. De l’entrejambe d’Eftychia Stefano sortent deux colosses, qui se livreront un combat musclé tels Remus et Romulus, le second voulant éliminer le premier. Mais Mario Banushi se libère du récit mythologique si tant est qu’il l’ait inspiré. L’allaitement de la possible louve intervient après le combat (et la tentative de noyade), cette nourrice étant elle-même allaitée par une autre ou par sa propre mère. Trois générations qui sont attentives aux unes et aux autres. Et quand la maternité est de fait refusée à la femme par la dérobade de l’homme qui répond ou écoute d’autres désirs, c’est une mère encore qui sauvera la désespérée tentant de se noyer.

Ces quelques instantanés disent en réalité très peu du spectacle qui devient de plus en plus obscur et échappe à toute rationalité et logique jusqu’au deuil, celui de Mami, la mère de toutes les mères probablement, recouverte de tout ce qui a construit son histoire et celles de ceux qui l’ont entourée. Un spectacle personnel si ce n’est autofictionnel (le metteur en scène montant sur scène pour un dernier clin d’œil) qui parle à chacun.

 

© Christophe Raynaud-Delage

 

Mami, écrit et mis en scène par Mario Banushi

Scénographie et costumes : Sotiris Melanos

Musique et son : Jeph Vanger

Lumière et dramaturgie : Stephanos Droussiotis

Collaborateurs artistiques : Aimilios Arapoglou, Thanasis Deligiannis

Assistanat à la mise en scène : Theodora Patiti

Régie lumière : Marietta Pavlaki

Régie son : Kostas Chaidos

Assistanat plateau : Sofia Theodorou

Relations internationales et gestion de tournée : Nikos Mavrakis

Production : Rena Andreadaki & Christos Christopoulos

Production exécutive : Ioanna Papakosta

Coordination des auditions et des résidences Konstantina Douka Gkosi

Avec : Vasiliki Driva, Dimitris Lagos, Eftychia Stefanou, Angeliki Stellatou, Fotis Stratigos, Panagiota Υiagli.

 

Du 13 au 18 juillet à 18h30 

Durée : 1h10

Gymnase du lycée Aubanel

14 rue de la Palapharnerie

84000 Avignon

www.festival-avignon.com

 

En tournée :

22 au 23 juillet 2025 : GREC Festival (Barcelone, Espagne)

14 au 16 août 2025 : Noorderzon Festival de Groningen (Pays-Bas)

9 au 11 octobre 2025 : Espoo Theatre – Espoonteatteri (Helsinki, Finlande)

9 au 16 avril 2026 : Odéon – Théâtre de l’Europe (Paris, France)

24 et 25 avril 2026 : Teatros del Canal (Madrid, Espagne)

 

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