Critiques // Mahabharata-Nalacharitam, mise en scène de Satoshi Miyagi, Grande Halle de la Villette, Festival Japonisme

Mahabharata-Nalacharitam, mise en scène de Satoshi Miyagi, Grande Halle de la Villette, Festival Japonisme

Nov 22, 2018 | Commentaires fermés sur Mahabharata-Nalacharitam, mise en scène de Satoshi Miyagi, Grande Halle de la Villette, Festival Japonisme

© Miura Shizuoka

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

 

Le Mahabharata, épisode du roi Nala, le Nalacharitam, revisité par Satoshi Miyagi est un enchantement, une pure merveille. L’histoire des amours du roi Nala et de la belle Damayanti que convoite un démon. Lequel jette un sort au roi qui perd au jeu son royaume, abandonne son aimée à qui il arrache auparavant une manche de son kimono – cela a son importance –dans une forêt hostile et s’exile, se métamorphose en cocher avant de reconquérir sa reine. Pas plus tentative de modernisation que de restauration, c’est une étrange alchimie qui remonte presque naturellement à la source du théâtre, cérémonie archaïque d’une rare sophistication, tressant formes traditionnelles japonaises, Nô, Kabuki, Kyogen et Bunraku au Kutiyattam indien, usant des techniques modernes sans plus de façon, sans ostentation et dans une épure absolue et éblouissante. Masques, costumes, accessoires stylisés et d’un blanc immaculé, découpés comme des origamis. Acteurs, danseurs et chanteurs, hommes ou dieux, c’est un chœur prompt aussi à toute métamorphose, végétale, minérale, animale. Capable d’être un bosquet accueillant, une sombre forêt, un rocher, une montagne, un cours d’eau, des flammes, un serpent, un troupeau d’éléphant… Avec le plus souvent trois fois rien, quelques accessoires rudimentaires et de papier, de carton manipulés à vue. Les enfants sont des poupons de chiffons. Une trompe dessinée brandie comme oriflamme et voilà un éléphant qui souffle. Une caravane de marchands se tient sur chaque doigt d’une main derrière un castelet de tissus… Une théâtralité exacerbée, joyeuse et mise à nu pour une cérémonie festive et grandiose, toute de simplicité. Satoshi Miyagi, c’est un de ses principes scéniques, sépare la narration, psalmodiée par un chanteur – principe du nô et du buyô – des acteurs qui évoluent sur cette haute passerelle de 360° qui nous enserre, entre mimodrame et danse. Lesquels parfois au paroxysme d’une émotion donne également de la voix. Une chorégraphie minutieuse des corps, débarrassée des katas obscurs mais dont subsistent quelques traces fantômes comme on se joue d’un cliché. C’est une nouvelle gestuelle qui est réinventée, proche du bunraku de la désarticulation, entre souplesse et rigidité. Et quelques clins d’œil à la danse indienne traditionnelle, le kathakali pour ne pas oublier l’origine de cette épopée. A cela et pour souligner en contrepoint de la narration et du jeu, des émotions et de l’atmosphère, un orchestre de percussion déchaîné et tenu par des acteurs, chorégraphié de même, un vrai ballet des jambes qui rythment aux bras qui tambourinent, reliant étonnement l’Afrique au Japon, qui, loin d’être une illustration, contribue de façon pertinente à la dramaturgie et qui vous prend aux tripes comme des gamins au Guignol. Pas non plus par hasard qu’avec beaucoup d’humour une des musiciennes brandit une petite pancarte où il est écrit « Ecoutez la musique ». Car c’est elle qui donne son tempo échevelé à cette épopée qui galope furieusement comme un démon au son des roulements de tambours et vous tient, ne vous lâchant plus. C’est un théâtre hybride, métissé, mais nulle couture apparente. Rien qui ne heurte. Satoshi Miyagi bouscule, ébouriffe la tradition qu’il revisite allégrement et avec bonheur en la respectant à sa façon, la détroussant pour ne garder que l’essence même, relevant de fait son universalité. Et c’est bien à ça que nous assistons, cette remontée à la source vive et bouillonnante du théâtre, un théâtre populaire, festif et sans frontière, et à son intemporalité. Et si la modernité se nichait là ?

 

© Yasuo Inokuma

 

Mahabharata-Nalacharitam, mise en scène de Satoshi Miyagi

Adaptation  Satoshi Miyagi et Azumi Kubota

Musique  Hiroko Tanakawa

Paysagiste  Junpei Kiz

Costumes  Kayo Takahashi

Lumières  Koji Osako, Hiroya Kobayakawa

Son  Koji Makishima

Accessoires  Eri Fukasawa

Coiffure et maquillage  Kyoto Kajita

Habilleuse  Chigusa Sei

Régie générale  Atsushi Muramatsu

Assisté de  Takahiro Yamada, Yukio Haraikawa

Assistanat à la mise en scène  Masaki Nakano

Dramaturgie  Yoshitji Yokoyama

Administration  Yoko Narushima, Takako Oishi, Junichi Yoneyam

 

Avec Kazunori Abe, Micari, Kouichi Ohtako, Naomi Akamatsu, Yuya Daidomumon, Asuka Fuse, Maki Honda, Moemi Ishii, Sachiko Kataoaka, Yukio Kato, Yudai Makiyama, Fuyuko Moriyama, Sayako Nagai, Yoneji Ouchi, Yuumi Sakakibara, Yu Sakurauchi, Yuzu Sato, Junko Sekine, MorimasaTakeishi, Momoyo Tateno, Ayako Terauchi, Miyuki Yamamoto, Hisashi Yokoyama, Ryo Hoshimi, Yoichi Wakamiya, Takahiko Watanabe

 

Du 19 au 25 novembre 2018 à 20h

Le dimanche à 16h

 

Grande Halle de la Villette

211 avenue Jean Jaurès

75019 Paris

 

Réservation 01 40 03 75 75

www.lavillette.com

 

 

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