© Giovanni Cittadini Cesi
f f f article de Denis Sanglard
Madame Fraize, ce n’est pas du tagada-tsointsoin… Non, Madame Fraize chante, « pensia en mi » et sans doute se rêve-t-elle en héroïne d’Almodovar, mais dans sa robe verte et ses longs gants de caoutchouc rose on pencherait davantage pour Yvette Guilbert. Même visage pointu, même causticité et même étrangeté. Cependant, plus prosaïquement, Madame Fraize a des préoccupations de ménagère. Toujours lire la notice pour le lave-vaisselle, c’est important pour le couple. Car il est ici incidemment question de la vie à deux. De l’amour, donc. Qui demande toujours de prendre sur soi et de savoir écouter. Madame Fraize a bien des tracas, une capsulite, et beaucoup de joie, ainsi la découverte du fenouil. Et dans ces découvertes, Madame Fraize fait parfois des erreurs. Ne jamais acheter une fontaine zen, très mauvaise idée ça. Le glouglou peut vous rendre soudain folle. Madame Fraize en sa campagne s’ennuie. Là, un jour vaut une semaine. Alors le week-end… Madame Fraize est très pédagogue, pour ne pas dire bavarde, et s’emberlificote dans ses explications. Oui, la pensée est un peu labyrinthique, c’est vrai, les références quelque peu loufoques, ça part un peu dans tous les sens, du coq-à-l’âne en coquecigrues, ça prend des chemins étranges, souvent absurdes, mais lucide devant les rires qu’elle provoque innocemment, comme elle le répète : « que c’est bon de rire ». Oui, c’est bon de rire et on rit beaucoup dans ce spectacle aussi hilarant que poétique. Marc Fraize n’est jamais ridicule dans la robe de madame. Pas plus emprunté ni travesti que vous et moi en somme, il reste lui-même sous la perruque, dans ce personnage sensible et cocasse d’une folle et belle liberté. Il a pour madame Fraize, on le devine, une immense tendresse et beaucoup de respect. Il lui offre cette volubilité, cette gaucherie et cette délicatesse propre au grand timide qui se lance dans une aventure qui les dépasse tout soudain. Madame Fraize sait aussi prendre son temps, à retirer ses longs gants de latex, à tournicoter sur son tabouret ou rester là, les bras ballants comme étonnée soudain d’être ici, sur cette scène, ce plateau nu. Et laisser soudain le silence presqu’embarrassé faire œuvre d’imagination. Marc Fraize, c’est avant tout une présence, un merveilleux clown qui ne force jamais le trait, bien au contraire. C’est fait de tout petit rien cette création, mais de ces petits riens qui soudain, allez savoir pourquoi, par le regard quelque peu farfelu et naïf porté par cet extraordinaire trublion un peu lunaire, prennent une dimension épique. Le quotidien pour madame Fraize est un éternel enchantement. Cette création de même qui, toute en délicatesse, nous emporte loin. Qu’il est bon de rire !
© Giovanni Cittadini Cesi
Madame Fraize texte et interprétation de Marc Fraize
Mise en scène Papy
Costumes : Sarah Dupont
Coiffure-maquillage : Vanessa Ricolleau
Lumières : Arnaud Ledu
Du 13 octobre au 5 novembre 2022, du mercredi au samedi à 21 h
Théâtre du Rond-Point
Salle Renaud-Barrault
2 bis avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
Réservations 01 44 95 98 21
www.theatredurondpoint.fr
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