À l'affiche, Critiques // Madame de la Carlière, de Denis Diderot, mise en scène d’Hervé Dubourjal, Le Lucernaire

Madame de la Carlière, de Denis Diderot, mise en scène d’Hervé Dubourjal, Le Lucernaire

Sep 02, 2019 | Commentaires fermés sur Madame de la Carlière, de Denis Diderot, mise en scène d’Hervé Dubourjal, Le Lucernaire

 

© Jan Malaise

 

 

ƒ article de Léa Suzanne

Soit, au départ, un récit de Denis Diderot : jeune veuve, Madame de la Carlière épouse le Chevalier Desroches. Avant le mariage, elle lui fait jurer une fidélité absolue à son serment. Peut-être malgré lui, peut-être malgré elle, il en ira tout autrement, et le vaudeville, ou le conte leste, tournera à la tragédie. Autour d’eux, on parle. À qui la faute ? Les opinions divergent… L’histoire de Madame de la Carlière, comme celle de Madame de la Pommeraye, développée dans Jacques le Fataliste, fournit à Diderot l’occasion de réflexions sur la vie, l’amour, les hommes et les femmes, et surtout sur les jugements et condamnations hâtifs : l’avis des autres n’est pas la vie des uns…

L’histoire est à la fois drôle et triste, enlevée et rythmée, et écrite dans la très belle langue de Diderot : c’est un plaisir extrême que de l’entendre dire. Pour « amplifier » ce récit, Hervé Dubourjal a fait le choix d’insérer d’autres passages, tirés d’autres œuvres de Diderot ou de Rousseau. Il s’agit donc de voir joués nombre de spectacles – un conte exemplaire, raconté par un homme et une femme qui, à cette occasion, se découvrent et sans doute se séduisent, mais qui aussi, de temps en temps, sortent de leur double rôle pour se distancier de leurs incarnations, et se livrer à des réflexions métathéâtrales décalées. Curieux jeu de présence-absence, qui tend à tenir à distance le doux tragique du conte, ou le beau jeu de séduction verbale de l’histoire-cadre. Partagés également entre des vêtements élégants, très haute couture années 50, et des costumes d’époque, les comédiens sont dans le même entre-deux. Il n’y a rien à leur reprocher ; le spectateur se laisse distraire et s’ennuie peu, attendant le dénouement de l’histoire des amours malheureuses de Madame de la Carlière – lorsqu’il survient, il est assez peu ému ; quant à la leçon du conte, elle passe en glissant.

La scénographie est minimaliste et la lumière sans doute belle : cependant, elle est plus cinématographique que théâtrale ; le clair-obscur assumé laisse souvent dans une ombre plus que profonde les deux protagonistes. À la toute fin, la voûte étoilée sous laquelle s’allongent les deux protagonistes, pauvres hères contemplant la beauté d’un monde qui les ignore sans doute, dans sa superbe, ne fait guère rêver. Accessoire théâtral curieusement très sommaire, il se retrouve, pendouillant, puis abandonné sur le plateau, une fois la lumière revenue, et gêne les saluts – cocasse et bizarre instrument d’illusion comique que Rousseau, le contempteur des spectacles, aurait sans doute adoré.

 

 

Madame de la Carlière de Denis Diderot 

Adaptation et mise en scène : Hervé Dubourjal

Avec : Caroline Silhol et Hervé Dubourjal

Décor : Verani père et fille

Lumières : Yves Angelo

Bande-son : Jean-Christophe Denis

 

Du 28 août 2019 au 03 novembre 2019

Du mardi au samedi à 20 h, le dimanche à 17 h

Relâches exceptionnelles les 21 et 22 septembre 2019

 

Durée : 1h 15

 

Le Lucernaire

53, rue Notre-Dame-des-Champs

75006 Paris

Renseignements et réservations : 01 45 44 57 34

www.lucernaire.fr

 

 

 

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