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Ma Séraphine, de Patrice Trigano, mise en scène de Josiane Pinson à l’espace Roseau Teinturiers, Festival off Avignon

Juil 02, 2023 | Commentaires fermés sur Ma Séraphine, de Patrice Trigano, mise en scène de Josiane Pinson à l’espace Roseau Teinturiers, Festival off Avignon

 

© Karine Letellier

 

ƒƒ Article de Sylvie Boursier

Ma Séraphine raconte la relation entre un marchand d’art allemand, Wilhelm Uhde et une femme de ménage, Séraphine Louis, dite Séraphine de Senlis, au physique ingrat assorti d’un esprit simple, peintre de génie qui lutte contre des voix persécutrices grâce à l’art. Wilhelm est tombé amoureux de ses arbres avec pommes, grappes de raisin rouge incarna, feuilles irréelles presque célestes puisque, Séraphine en est sûre, son don lui vient de la vierge Marie. Son mentor la finance mais touché par la crise de 1929, Wilhelm Uhde cesse de l’aider d’autant qu’elle s’est lancée dans des dépenses excessives. En 1932, Séraphine de Senlis, internée à l’hôpital psychiatrique de Clermont-de-l’Oise à la suite d’une crise de folie, cesse définitivement de peindre en proie au délire paranoïaque.

L’artiste connut une célébrité posthume, grâce à une Yolande Moreau solaire, dans le film de Martin Pruvost, au milieu de ses peintures, de ses encaustiques, de ses casseroles et de sa nature chérie. Chaque plan dessinait une nature morte sur fusain. La pièce, fidèle au texte de Patrice Trigano, met en avant le secret de cette femme qui peint la nuit, à la chandelle, avec du Ripolin. On voit l’envers du décor, les ravages de la schizophrénie, la chambre de bonne qui sert d’atelier, les bondieuseries d’une femme ignorée de tous dont on a l’impression qu’elle n’a jamais grandi depuis ses huit ans, l’asile ou elle croupit dans la puanteur de ses excréments. La scénographie épurée laisse toute la place à deux solitudes réunies par l’art, l’artiste, à peine considérée comme un être vivant à Senlis et son protecteur, triplement coupable, Allemand dans la France de l’après-guerre, homosexuel dans une société qui ne le tolère pas et déchu de sa nationalité pour son soutien à « l’art dégénéré ». Josiane Pinson mise tout sur le jeu de ses comédiens, pari réussi : Bénédicte Roy incarne avec naturel l’inconscience d’un pauvre personnage violent, totalement démuni.  Ses œuvres sont invisibles jusqu’à la fin on les imagine, par les yeux de Laurent Charpentier, ébloui du talent fou d’un être aussi humble. Le comédien donne à Wilhelm une épaisseur qu’il n’avait pas dans le film par son élégance, son désarroi. On croit avec lui au miracle de l’art qui peut changer à jamais une vie.

Séraphine, qui signait ses tableaux avant de les peindre, fut soumise à un régime d’internement inhumain, douches glacées, nourriture avariée, et décéda le 11 décembre 1942 d’un cancer, fourmillante de vermine. Quand le noir se fait, un bouquet de lilas dans un vase noir, un cerisier, deux pieds de vigne sont projetés, on découvre les toiles comme Wilhelm Uhde les vit et là on reste sans voix face au mystère de l’artiste. D’où lui vient une telle maîtrise ?

 

© Karine Letellier

 

Ma Séraphine de Patrice Trigano, éditions Maurice Nadeau 2023

Mise en scène : Josiane Pinson

Lumière : Anne Bigou

Son : Edouard Dosseto

Avec : Marie-Bénédicte Roy et Laurent Charpentier

 

Durée : 1h

Du 7 au 29 juillet à 18h 35, relâche le mardi, espace Roseau Teinturiers, 45 rue des Teinturiers Avignon

Réservation : 04 84 51 26 00

www.espaceroseauteinturiers.fr

 

 

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