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Ma couleur préférée, texte de Ronan Cheneau, mise en scène de David Bobée, au Théâtre Paris-Villette

Oct 27, 2021 | Commentaires fermés sur Ma couleur préférée, texte de Ronan Cheneau, mise en scène de David Bobée, au Théâtre Paris-Villette

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

David Bobée, metteur en scène, et Ronan Chéneau, écrivain, nous en font voir de toutes les couleurs. Un spectacle pour enfant, pour les adultes en devenir, un voyage du Congo orangé à la lune blanche en passant par le Paris gris de pollution, c’est une traversée extraordinaire, émotionnelle, sensorielle à travers les milles et une nuance de la couleur… Un spectacle d’une beauté flamboyante, volontairement spectaculaire, qui interroge le monde par le prisme culturel des couleurs. Cette histoire-là, des couleurs, c’est l’histoire de l’Humanité. Dis-moi quelle est ta couleur préférée et je te dirais qui tu es. David Bobée et Ronan Chéneau dézinguent à grand coup de pinceau et de brosse les préjugés, prônent l’égalité, se font historiens de l’art, philosophes et poètes. Pas de sujet tabou, l’indigo c’est aussi l’évocation de l’esclavage. Le vert l’écologie mais aussi l’islam. L’arc-en-ciel la lutte LGBTQI+ pour l’égalité. Le violet, le féminisme. Le rose, la question du genre. Le noir la peur et le racisme… Et puis cette question au final, et si la beauté des couleurs c’étaient celles et ceux qui les regardent ? Elles ne sont pas si moches que ça les chaussettes d’Hardy quoiqu’en disent Lohick et Orlande. Ces trois-là qui ont décidé de repeindre leur maison. Mais débattent sévère sur la couleur à choisir. Entre celles bizarres (poil de chameau, framboise écrasée ou zinzolin), les nuances d’une seule (le rouge, du vermillon à l’amarante), les classiques (le bleu), les poétiques (bouton-d’or, aigue-marine) chaque couleur est un voyage, des forêts vierges du Douanier Rousseau aux estampes maritimes d’Hokusai… Du noir de Soulages au bleu de Klein. Autant de tableaux, autant de débats, d’interrogations, de désaccords. La pensée aussi se pare là de couleurs et de nuances. C’est merveilleux et c’est beau. C’est fort drôle, hilarant même, savant oui mais jamais pédant. Steven Lohick Madiele Ngongo, Shade Hardy Garvey Mougondo et Orlande Zola, tous trois originaires du Congo, sont irrésistibles. De vrais ludions, de sacrés poètes habillés comme des sapeurs. Un talent fou, une vraie tchatche, ils chantent et dansent, interpellent et entraînent avec eux les gamins et les parents, voire votre chroniqueur bouche-bée, dans ce voyage immersif, cette pensée critique et ludique sur la beauté du monde. Immersif, oui, par une scénographie épatante de David Bobée et Léa Jézequel, une maison de bois, des éléments incrustés sur le plateau que l’on soulève, font de cette scène un vaste pop-up ludique sur lequel le plasticien polonais Wojtek Doroszuk projette ses incroyables vidéos chromatiques et Stéphane Babi Aubert ses lumières de lanterne magique. On en a plein les mirettes, c’est vrai. Mais le spectacle est aussi dans la salle qui voit les minots poser des questions fort pertinentes, approuver même nos trois lascars voire même les interpeller pour leur préciser un détail qui semblent avoir échappé à leur sagacité. Au sortir de cette création on se dit comme Eluard, oui la terre est bleue comme une orange. Les poètes ont toujours raison.