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Love me, texte et direction Marina Otero et Martín Flores Cárdenas, Théâtre de la Ville – Sarah Bernhardt (Coupole)

Mar 14, 2024 | Commentaires fermés sur Love me, texte et direction Marina Otero et Martín Flores Cárdenas, Théâtre de la Ville – Sarah Bernhardt (Coupole)

 

© Mariano Barientos

ff article de Denis Sanglard

Love Me, titre de la dernière création de Marina Otero est un bel euphémisme. Certes, tout aussi radical que Fuck Me, son précédent opus, mais dans son contraire exact. Danseuse, « de celles qui ne dansent pas », déportant la danse vers l’autofiction, une quête de compréhension de soi au présent dans l’interrogation d’une généalogie familiale, sociale et politique dont l’Argentine serait en filigrane le centre, et de tout ça, de sa vie bousculée, faire une œuvre. De danse ici il sera peu question et nous en serons à nos frais pour qui attendions la même flamboyance blessée contenue dans Fuck Me. Déroutés sommes nous devant elle, assise sur ce tabouret, évitant notre regard et résolument muette, qui déroule les dernières péripéties de sa vie, le covid, une rupture, et son installation à Madrid, en un long texte s’affichant derrière elle. Radicalité de moyen n’exprimant rien d’autre au final qu’une réalité économique propre à la scène underground de Buenos Aires ravagée par le Covid qu’elle transporte avec elle comme une identité. Emigrée désormais, déracinée donc, « en fuite » dit-elle, et nous voilà bientôt au centre de son questionnement, toujours cette même violence intrinsèque qui l’habite toute entière dont l’origine se perd mais avec la certitude qu’elle, Marina Otero, ne fait que reproduire ad nauseam un schéma familial, voire politique. Et de cette violence qui la constitue, qu’en faire alors qui ne la détruise pas, ni ne détruise les autres. Que faire aussi de ce corps aujourd’hui réparé, dont il était question dans Fuck Me, comment danser avec ce corps devenu en quelque sorte étranger, en fuite lui aussi ? Mais au jeu de la vérité ou de la fiction, Marina Otero brouille les pistes. De la vérité ou de la fiction qui nourrit l’un ou l’autre ? Elle-même l’affirme, du moins le comprend-on, cette ambivalence ne cesse de construire son oeuvre, si elle n’est pas l’œuvre elle-même, dans une mise en abyme de soi qui finit par faire de Marina Otero un objet performatif fictionnel avec l’appui ici de Martín Flores Cárdenas. Marina Otero n’existe pas ou alors dans ce qu’elle projette d’elle dans une nouvelle version rimbaldienne du « Je est un autre », ou plus simplement « du mensonge qui dit la vérité » propre à Cocteau. Et puisqu’il faut bien danser, exprimer ça, cette violence, s’en libérer peut-être, Marina Otero improvise une courte danse. Torse nu, un masque de catcheur sur le visage, tout un symbole, elle fait du plateau la manifestation d’une rage, d’une énergie brut de coffre et d’une folle générosité. Et la vérité de Marina Otero apparaît là, profondément, dans cette danse qui la révèle telle qu’en elle-même dans l’épuisement de tout discours. Love me n’est pas l’avers ni le revers de Fuck Me. C’est la même affirmation ironique, le récit d’une émancipation qui ne peut, ni ne veut échapper à cette violence irrépressible, symptomatique, parfaitement assumée qui passe par le corps, conséquemment le sexe, et dont elle fait à découvert, crânement et à rebours des conventions l’objet et le sujet de son œuvre performative qui n’est autre qu’elle même.

 

© Frédéric Rouverand

 

Love me, texte et direction Marina Otero et Martín Flores Cárdenas

Traduction : Fanny Ribes, Bernardo Haumont

Lumière : Matías Sendón

Photographie : Nora Lezano

Illustrations : Martín Flores Cárdenas

 

Avec Marina Otero

 

Du 11 au 19 mars 2024

Le lundi à 19h, Du mardi au samedi à 20h, Le dimanche à 18h

Durée 55 mn

 

Théâtre de la Ville – Sarah Bernhardt

2, Place du Châtelet

75004 Paris

 

Réservations : 01 42 74 22 77

www.theatredelaville-paris.com

 

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