© André Le Corre
ff article de Denis Sanglard
Où l’on retrouve avec le même enthousiasme Sharon Eyal et Gai Behar, le théâtre leur a fait ce soir de première un triomphe, et cette façon bien particulière d’envisager la danse, une danse sans défaut ni aspérité et toujours dans l’extension volontaire, les corps étirés à l’extrême dans une verticalité exacerbée, jambes tendues et sur la pointe des pieds, toujours, aux mouvements déliés et prêt à se rompre, se rompant soudain, une désarticulation imprévisible, comme provoquée par une explosion interne spasmodique avant de se rassembler de nouveau jusqu’à la prochaine implosion. Une forte tension et un tonus qui jamais semble ne vouloir se relâcher, jouant de l’écartèlement maximum, qui n’est pas grand écart, et de son contraire, la fermeture têtue. Un mouvement se refusant aux relâchement, et comme toujours dans une retenu absolue, voire contraint, tant qu’il finit par se briser, se disloquer, s’effondrer de lui-même, sur lui même, et de son épuisement, de cet effort désespéré à ne pas se rompre. Et de recommencer. C’est dans cette oscillation, cette saccade continue entre ses deux pôles que s’épanouit cette chorégraphie vite captivante.
Etrange cérémonie amoureuse autant sensuelle que sèche comme un coup de trique, on marche ici comme des grues cendrées à la parade, les bras s’ouvrant comme des ailes fouettant l’espace, les mains comme des rémiges brisées, on s’élance pour un bref envol qui n’est qu’un saut, une provocation, un défi. Quelques éléments épars de danses traditionnelles font de brèves incursions, intégrées et transformées illico. Une géométrie angulaire mouvante et précise sculptant le groupe, ordonnant de même l’espace qui semble être lui aussi mouvant. Encore une fois est privilégié l’énergie du groupe que même quelques échappées d’un danseur ou d’une danseuse pour un bref solo où quelques mouvements se distinguant de l’ensemble ne parvient pas ou si peu à rompre. Comme si sans le groupe le danseur ne pouvait être totalement lui ou ne pouvait être que par lui, puisant là et donnant de même son énergie et sa raison. Un groupe compact comme un seul corps, masse organique bougeant d’un même élan, tout de fluidité, pour un même mouvement, une transe vite collective au rythme binaire et tambourinant, lancinant de la musique du DJ Ori Lichtik qui allant crescendo donne aussi son impulsion martelée terriblement techno, ce rythme énergique, énergisant, à cette danse extrêmement concentrée, virtuose et au cordeau où les corps et la musique se rencontrent pour une transe qui les emporte loin…et nous avec.
© André Le Corre
Love Chapter 2, chorégraphie de Sharon Eyal et Gai Behar
Musique : Ori Lichtik
Danseurs : Frida Dam Seidel, Darren Devaney, Guido Dutilh, Juan Gil, Alice Godfrey, Johnny McMillan, Nitzan Ressler
Lumières : Alon Cohen
Costumes : Odelia Arnold, Rebecca Hytting, Gon Biran
Directeur technique : Alon Cohen
Techniciens : Yair, Salman, Oren Elimelech, Hillel Sharp
Du 21 au 23 mars 2024
Jeudi, vendredi à 20h30
Samedi 19h30
Théâtre du Rond-Point
2bis avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
Réservations : 01 44 95 98 21
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