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Loss, texte et mise en scène de Noëmie Ksicova, avec Cécile Péricone, au Théâtre des Abbesses / Théâtre de la Ville

Mar 28, 2023 | Commentaires fermés sur Loss, texte et mise en scène de Noëmie Ksicova, avec Cécile Péricone, au Théâtre des Abbesses / Théâtre de la Ville

 

 © Simon Gosselin

 

ff article de Denis sanglard

 

Un jour Rudy sort de son cours d’anglais, demande une cigarette à un passant, la fume, avant de se jeter sous les roues du métro. Acte violent et incompréhensible sidérant la famille qui s’interroge sur ce qu’elle n’a pas su voir ni comprendre. Et puis il y Noëmie, la petite amie de Rudy. Qui s’installe dans cette famille endeuillée et obstinément, par amour pour Rudy, prend la place de Rudy avec l’assentiment tacite des parents. Etrange et désarmant rituel de deuil d’une famille pour réactiver le défunt, un acte de « réparation » comme le définit l’autrice et metteuse en scène Noëmie Ksikova qui signe là une création délicate et de la plus belle eau. C’est à pas feutrée que nous entrons dans le quotidien de cette famille déchirée brutalement par cet acte que nul n’avait vu venir. Ni larmes, ni éclats dans le traitement de ce drame. Une séquence, une seule, d’une belle et forte sobriété, pour exprimer le gouffre dans lequel la famille bascule soudainement, où les jours qui suivent ce drame semblent compressés en un seul, réitéré et résumé au dernières paroles échangées avec Rudy, avec ce questionnement qui s’ajoute, « qu’est-ce que je n’ai pas fait ? ». Mais ce qui importe ici n’est pas tant le pourquoi de cet acte de la part d’un adolescent sans problème apparent, que cette volonté résiliente à ressusciter Rudy. Pour ce faire, Nöemie Ksicova, dans une tonalité résolument naturaliste – on peut songer au réalisateur Claude Sautet dont il est fait référence dans le texte, dont le film Vincent, François, Paul et les autres…, est regardé par la famille- joue avec finesse de la banalité, d’un présent désormais vide d’une présence, fait d’activités ordinaires et de rituels journaliers, le petit-déjeuner, le dîner, regarder la télé. Si la situation est en soi exceptionnelle sa résolution n’advient que par la trivialité des occupations quotidiennes où sourd lentement la présence prégnante de Rudy et l’accomplissement du deuil de la famille. Lequel est présent sur le plateau, surgissant par effraction, avant de s’effacer bientôt mais dont le spectre continuera de hanter la famille. Initier Noëmie à l’œnologie, comme le père l’aurait fait avec Rudy, jouer des même jeux, regarder les mêmes films, jusqu’à reconstituer le dernier petit-déjeuner de Rudy – scène ambigüe, étrange il est vrai et malaisante-, projeter en Noëmie, faire avec Noëmie, reconstituer avec Noëmie, ce qu’ils ont fait, ce qu’ils auraient fait avec leur fils et frère, innerve lentement d’une souffle vital et salutaire, miraculeux, cette famille. Maintenir en vie Rudy par la présence têtue de celle qui l’aimât, c’est au final retisser et tramer de nouveau les liens  distendus par le deuil. Les comédiens sont au diapason d’une partition fragile et subtile, se refusant avec raison et intelligence à l’exceptionnel pour un jeu tout en nuance, presque sur la pointe des pieds, dans un refus de la théâtralité exacerbée pour un juste et troublant hyperréalisme. Et c’est une des forces de cette mise en scène que cette volonté d’effacer les scories propre parfois au théâtre, pour être au plus juste, au plus profond d’une réalité ténue où « Les vivants ont besoin des morts pour vivre ». Il ne reste que quelques jours pour découvrir cette infinie délicatesse…

 

© Simon Gosselin

 

Loss , texte de Noëmie Ksicova, en collaboration avec l’Equipe Artistique

Mise en scène : Noëmie Ksicova, avec Cécile Péricone

Lumière : Annie Leuridan

Scénographie : Céline Diez ponctuel

Composition musicale : Bruno Maman

Regard dramaturgique : Camille Louis

Regard chorégraphique ponctuel : Johan Amsalem

Régie générale & régie lumière : Clara Boulis Valence

Ingénieur son : Morgan Marchand

Régie son du 25 mars : Théo Cardoso

Avec : Lumir Brabant, Anne Cantineau, Juliette Launay, Théo Oliveira, Antoine Mathieu, Noëmie Ksicova

Du 22 mars au 1er Avril 2023 à 20h

Théâtre les Abbesses

31, rue des Abbesses

75018 Paris

Réservations : 01 42 74 22 77

www.théâtredelaville-paris.com

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