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Critiques // L’os à moelle, d’après le journal de Pierre Dac, projet imaginé et mis en scène par Anne-Marie Lazarini, Artistic Théâtre, Paris

L’os à moelle, d’après le journal de Pierre Dac, projet imaginé et mis en scène par Anne-Marie Lazarini, Artistic Théâtre, Paris

Oct 28, 2023 | Commentaires fermés sur L’os à moelle, d’après le journal de Pierre Dac, projet imaginé et mis en scène par Anne-Marie Lazarini, Artistic Théâtre, Paris

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette

L’os à Moelle présenté à l’Artistic Théâtre reprend l’âme entière, ou presque, du journal créé par Pierre Dac et dont le premier numéro est sorti le 13 mai 1938. Humour et finesse, jeu avec le vocabulaire que l’on construisait, déconstruisait, et qui fonctionnaient très bien à l’époque. Pierre Dac et ses comparses multipliaient leurs bonnes idées pour faire rire, certes, mais aussi pour tirer toutes les sonnettes d’alarme possibles.

En pleine montée du nazisme, juste avant la guerre, ce journal mêlant des articles aux titres splendides, des caricatures éclatantes utilisait cette forme resplendissante pour certes faire rire, mais aussi dénoncer ce qui montait, s’approchait, avec de plus en plus de force. De la Résistance en somme, qui n’y allait pas par quatre chemins malgré son apparence légère et les éclats de rire qu’elle suscitait. L’os à moelle a été très efficace s’est très bien vendu, 100 000 exemplaires dès le premier numéro, c’est dire. Journal si efficace qu’après 109 numéros, le 7 juin 1940, il doit cesser de paraître, le danger devenant de plus en plus grand et réel. Et une semaine après la France est occupée. Ça rigole et ça ne rigole pas.

Et dans L’os à Moelle créé par Anne-Marie Lazarini on est face à une équipe prenant un plaisir évident à « pierredacquiser », nous donnant une histoire de ce journal, teinté de pourquoi, de comment et surtout en nous exposant son essence même, jusqu’à faire participer les spectateurs.

On éclate donc de rire, on écoute, on regarde, on se dit que le courage de Pierre Dac était évident, mêlé à une l’intelligence fine, baignée de cet humour très lié aux jeux de mots, aux sens dans tous les sens. Du coup, quatre-vingt cinq ans plus tard cela fonctionne toujours aussi bien, sauf qu’aujourd’hui tout cela n’est pas aussi courageux et dangereux : Pierre Dac a dû disparaître rapidement, pour ne pas dire se barrer, pour ne pas être arrêté.

Cet humour est fin, terriblement riche. Ces trois personnages sur scène, deux hommes et une femme, ont leur journal en main, journal qui a eu aussi l’envie de s’afficher sur un fond noir et simple. Il y a des hauts parleurs, quelques chaises, presque rien donc mais on saisit très bien l’essence de ce journal. Ce spectacle est son histoire en quelques mots, drôles, ce va de de soi. On a l’impression que cette équipe se fait plaisir, et partage la finesse de cette « reprise ». Ils nous donnent très rapidement envie de mieux les écouter, jusqu’aux larmes, joyeuses ou non. C’est un très bon trio, fort, uni, efficace. Cela fonctionne parfaitement, ce n’est pas une reprise banale, non, c’est comme un grand merci, un grand bravo à Pierre Dac. La salle est petite, on est les uns avec les autres, l’union fait la force et on s’amuse, on réfléchit, à hier, aujourd’hui et demain. L’os à Moelle redevient presque nécessaire, non ?