© Christian Bertrand

ƒƒƒ article de Nicolas Thevenot

Le légendaire faune de Nijinski se détache en frise, graphique, immortel et immobile sur le piédestal de notre mémoire collective. Lo Faunal de Pol Jiménez s’offre lui de « plein » pied, débordant de vie, principe énergétique puisant au fondement dionysiaque. Dans la lumière naissante, par l’ambiguïté visuelle qui en résulte, le corps de Pol Jiménez s’incorpore dans le pied du bouc, il est lui-même tout entier extrémité caprine, onglon, arc-finissant en sabot, il est un ressort aux rebonds infinis. Lo Faunal n’investit pas la figure du faune se prélassant une fin d’après-midi mais la tentative émérite de parcourir le champ de la danse, dans ses multiples formes, par la cavalcade. Bondissante, la danse se révèle pour ce qu’elle est : le rapport d’un corps avec le sol, le point de contact qui est un point d’appui et un point de fuite. La danse, ici, quand bien même elle projetterait le corps en l’air, n’est pas éthérée, mais puissamment tellurique. La gravité recèle la source du mouvement, produit l’énergie du rebond. Par la force de son entreprise la danse se fait soulèvement poétique, vibration du corps et du cœur, le spectateur se sent lui-même pousser des ailes, ou mieux dit : des sabots. Escaladant, et tout à la fois porté par une rocailleuse montagne sonore (Jaume Clotet), sédimentant ses musiques, concassant ses matières, construisant ses fondements paganistes, éclatant dans l’éblouissement d’une techno party, Pol Jiménez laboure ces terres de ses pieds en ruade, convoquant pour chacune de ces danses leurs racines dionysiaques. Ce battement, décollement du talon, est une percussion sans fin, pareil à un barattage de la glaise-gravité.

Lo Faunal ondule pareil à une corde, de mille façons, la fréquence et l’intensité de ses phases évoluant au cours de la performance. C’est un continuum, soutenu par ce bond originel, qui résonne depuis notre imaginaire mythologique. C’est une ondulation ontologique. C’est une mise en branle qui n’en finirait pas d’être ébranlée. Vêtu d’une gaze transparente arrimée au corps par un réseau de lacets, membrane semblable à une chrysalide, Pol Jiménez est en perpétuelle métamorphose. Un geste, la position d’un bras, une cambrure, et l’on voit alors apparaître, telle une lointaine réminiscence, une danse folklorique, un flamenco endiablé, une rave refoulée. Le faune, inépuisable, dissémine sa fertilité vivace sous les pas du danseur. Et d’un talon soulevé, régénère et réjouit notre présence au monde.

© Christian Bertrand

Lo Faunal, chorégraphie et interprétation : Pol Jiménez

Direction chorégraphie : Bruno Ramri

Musique : Jaume Clotet

Lumières : Lucas Tornero

Costume (design) : Maria Monseny

Costume (création) : Brodats Paquita

Durée : 30 min

Du 14 au 15 mai 2024 à 20h15

Spectacle vu le 14 mai, salle Maria Casarès, en raison d’une météo pluvieuse obligeant à un repli à l’intérieur du théâtre, alors que Lo Faunal était programmé en extérieur dans le Parc Victor Hugo de Montreuil.

TPM Théâtre Public Montreuil

Salle Maria Casarès

63, rue Victor-Hugo

93100 Montreuil

Tél : 01 48 70 48 90

www.theatrepublicmontreuil.com

Dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis

www.rencontreschoregraphiques.com

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