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L’image, de Samuel Beckett, mise en scène de Jaques Osinski, Théâtre du Lucernaire

Jan 05, 2022 | Commentaires fermés sur L’image, de Samuel Beckett, mise en scène de Jaques Osinski, Théâtre du Lucernaire

 

© Pierre Grosbois

 ƒƒ article de Denis Sanglard

Au Lucernaire, au Paradis, la salle la plus haute du lieu, le temps est suspendu une heure durant. Le comédien Denis Lavant et le metteur en scène Jacques Osinski, poursuivant leur étroite et complice collaboration autours des œuvres de Beckett (après Cap au pire et La dernière bande), font entendre quatre textes courts de l’ermite d’Ussy. L’image ; Un soir ; Au loin, un oiseau et Plafond. Avec pour point commun, qui traverse toute l’œuvre de Beckett, la recherche du souvenir et son impossible vérité, la naissance et la mort (résumé en cette formule lapidaire in En attendant Godot « (…) elles accouchent à cheval sur une tombe (…) »), l’acte de dire enfin, acte performatif et créatif qui supplée l’acte de vivre. Et toujours ce regard extérieur, impavide, sur soi et les autres.

Denis Lavant, d’emblée captive l’auditoire. Le corps immobile et dissous dans une semi-pénombre où seul le visage, face lunaire, émerge, il articule le récit avec cette diction singulière propre au personnage en recherche d’une vérité, avec cette volonté non de convaincre mais d’être au plus près, au plus juste du souvenir énoncé ou de l’action qui se fait et dont il est le témoin et l’acteur tout à la fois. Un récit troué de silences comme si soudain quelque chose échappait et qu’il fallait redéfinir la pensée, la fixer aussi sur un point précis pourtant si fragile et ténu, près de disparaître. Ce corps figé qui confine à l’absence, cette diction tenue, cette lumière entre chien et loup, confèrent au plateau nu un vaste espace mental où le temps se fige et se dilate à l’instant où se cristallise la pensée. Ainsi le théâtre en est réduit à sa forme la plus pure, la plus rêche, un acteur, un récit, que signe ici la servante du théâtre au jardin du plateau nu. Un acteur dont le corps s’efface jusqu’à disparaître pour n’être qu’une voix intérieure, rien qu’une conscience exacerbée par la recherche et l’obsession d’un souvenir. C’est une création austère et pour laquelle c’est vrai il faut faire un effort volontaire et soutenu. Mais pour qui accepte, pour qui se prête, nous sommes vite absorbés. Parce que Denis Lavant, dans ce dépouillement absolu qui le voit disparaître, transcende magnifiquement ces quatre récits et leur donne une densité telle que nous somme vite happés, voire fascinés. Soulignons aussi le très beau travail sur les lumières de Catherine Verheyde qui participe de cette réussite. Ces textes qui furent réunis en deux volumes sous le titre Pour finir encore et autres foirades (Editions de Minuit) valent d’être redécouvert. Foirades ? On peut s’étonner de ce terme et de sa polysémie (entre diarrhée et ratage) mais l’humour à froid et pince-sans-rire de Beckett n’y est sans doute pas étranger. Néanmoins ni Denis Lavant, ni Jacques Osinski n’ont ici foiré l’affaire, bien au contraire.

 

© Pierre Grosbois

 

L’image suivi de Un soir ; Au loin, un oiseau ; Plafond de Samuel Beckett

Mise en scène Jacques Osinski

Lumière Catherine Verheyde

Avec Denis Lavant

 

Du 4 au 23 janvier 2022

Du mardi au samedi à 19 h, dimanche à 15 h 30

Samedi 22 janvier à 19 h et 21 h

Relâche le lundi et le jeudi 13 janvier

 

 

 

Le Lucernaire

53 rue Notre-Dame-Des-Champs

75006 Paris

 

Réservation 01 45 44 57 34

www.lucernaire.fr

 

 

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