Critiques // Libre arbitre, de Julie Bertin et Léa Girardet, mise en scène par Julie Bertin, au TGP de Saint Denis

Libre arbitre, de Julie Bertin et Léa Girardet, mise en scène par Julie Bertin, au TGP de Saint Denis

Fév 14, 2023 | Commentaires fermés sur Libre arbitre, de Julie Bertin et Léa Girardet, mise en scène par Julie Bertin, au TGP de Saint Denis

 

 

© Simon Gosselin

fff article de Hoël  Le Corre

 

Berlin 2009. Championnat du monde d’athlétisme. Caster Semenya, 19 ans, remporte contre toute attente, et haut la main, la médaille d’or du 800 mètres femmes. Aussitôt, la jeune athlète sud-africaine éveille les soupçons de la Fédération Internationale et doit se soumettre à un « test de féminité », pour prouver qu’elle est bien une femme « à 100% ». S’ensuit pour elle, des traitements hormonaux aux effets secondaires invalidants pour une athlète qui doit s’entrainer au plus haut niveau. Pour la Fédération, l’IAAF, c’est l’occasion de durcir les règles d’accession aux épreuves, menant à une véritable suspicion et une discrimination de ces femmes « hors normes ».

Dans un récit chronologique, fourni et passionnant, les quatre comédiennes vont nous faire suivre les coulisses de cette affaire, interprétant chacune plusieurs rôles, féminins comme masculins. Grâce à une mise en scène fluide et haletante, on passe des cabinets médicaux où Caster Semenya subit des analyses et questionnaires aussi poussés qu’humiliants, aux conférences de presse, en passant bureaux des scientifiques de l’IAAF. On est ainsi plongé au cœur des débats et des rouages, où peu à peu se révèle à nos yeux une véritable cabale sexiste – et raciste – contre Caster Semenya, en premier lieu, mais aussi contre toutes les athlètes féminines aux performances exceptionnelles, dès lors que leur taux de testostérone n’est pas conforme à la moyenne de celui des femmes blanches.

Aux scientifiques partiaux de l’IAAF viendront d’ailleurs finalement s’opposer les discours de médecins et d’avocats de Semenya, dans une ultime séquence, émouvante et engagée au tribunal, reprenant le procès ouvert en 2019, où Caster Semenya et la Fédération d’Afrique du Sud portent plainte contre le nouveau règlement de l’IAAF auprès du Tribunal Arbitral du Sport. Plus de dix ans après, cette sportive est toujours aux prises avec les instances sportives et juridiques pour faire valoir ses droits, et même si elle s’éloigne malheureusement de l’âge où les performances sont les meilleures, elle a le mérite incommensurable de se battre pour celles qui viendront après elle…

Par l’intermédiaire de ce procès en virilité, ce que Libre Arbitre dénonce est le traitement différencié des sexes dans le sport et le côté extrêmement binaire des constructions de genre. Dans des scènes criantes de vérité, on suit les réflexions des acteurs de l’IAAF, l’occasion de mettre en lumière un panel de préjugés sexistes qui irriguent encore le monde du sport, entre autres… Les débats entre les protagonistes permettent également de dresser, en évitant le didactisme, un tableau instructif de certains mots comme « intersexe », « transgenre ».  En rappelant qu’il existerait 48 nuances de genres, ils s’amusent à imaginer 48 catégories d’épreuves, ce à quoi les comédiennes – qui reprennent leur propre personnalité le temps de quelques séquences comme des respirations, des pas de côté par rapport au récit de Caster Semenya – rétorquent par des fantasmagoriques épreuves de « femmes protégées, femmes rassurantes », ou des raps comme autant d’estocades. Le ton est cocasse, peut-être un brin démagogique, mais ô combien édifiant, et on est totalement happé. C’est divertissant et saisissant !

 

© Simon Gosselin

 

Libre arbitre, de Julie Bertin et Léa Girardet

Avec : Léa Girardet, Cléa Laize, Juliette Speck et Julie Teuf

Collaboration artistique : Gaia Singer
Choregraphie : Julien Gallee-Ferre
Scénographie et vidéo : Pierre Nouvel
Lumière : Pascal Noël

Son : Lucas Lelievre
Costumes : Floriane Gaudin
Régie générale et lumière : Thomas Jacquemart en alternance avec Léo Delorme
Régie son et vidéo : Théo lavirotte en alternance avec Thomas Lanza

Unique représentation vue le 11 février à 18h

Durée : 1h40

Théâtre Gérard Philippe

59, boulevard Jules-Guesde
93 207 Saint-Denis Cedex

Réservations : 01 48 13 70 00

www.tgp.theatregerardphilipe.com

 

 

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