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L’Hôtel du Libre-Echange, de Georges Feydeau, mise en scène de Stanislas Nordey, à l’Odéon-Théâtre de l’Europe

Mai 07, 2025 | Commentaires fermés sur L’Hôtel du Libre-Echange, de Georges Feydeau, mise en scène de Stanislas Nordey, à l’Odéon-Théâtre de l’Europe

 

© Jean-Louis Fernandez

Article de Denis Sanglard

C’est raté ! Stanislas Nordey s’attaque pour la seconde fois à Feydeau, après La Puce à l’oreille il y a près de vingt-ans, et cela ne lui réussit guère. De cette mécanique horlogère minutieuse où les couples désaccordés et l’adultère révèlent les failles profondes d’une bourgeoisie aux prises avec ses contradictions, il ne reste qu’un triste et banal spectacle, un pétard mouillé qui fait pschitt en lieu et place d’un feu d’artifice, au mieux un boulevard sans éclat, où l’ennui suinte de partout. Rien ne claque ici, ni les portes ni les répliques pourtant ciselées et assassines qui font étrangement flop ! un comble. Feydeau est promptement dévitalisé de sa folie existentielle. Les corps mêmes, pourtant éruptifs chez notre vaudevilliste, n’ont aucune énergie propre ou bien sont dans une agitation toute superficielle, mécanique et vaine. Quelque chose ne tourne pas rond, tout est plat, sans relief, tout paraît faux jusqu’au jeu des acteurs sans vraiment de profondeur qui semblent chercher désespérément une assise, un fil directeur, sans les trouver, frôlent la caricature et débitent à défaut le texte à l’italienne ou peu sans faut, quand il ne hurle pas leurs répliques.

Il y a bien quelques sursauts où l’on se dit que oui, là, peut-être, quelque chose advient, mais tout retombe très vite comme un mauvais soufflet. Frustrés, on cherche en vain un appui, un parti-pris, une folie que seul le costumier (Raoul Fernandez) semble avoir exprimé sans que nous comprenions vraiment de quoi il en retourne. Passons sur la robe de madame Pinglet, en forme d’abat-jour avec pampilles, qui pourrait être fort drôle si elle n’était dans sa métaphore, un contre-sens. Madame Pinglet quoique malmenée par son misogyne de mari n’est en rien une femme-objet, laquelle mène sa barque ne se fiant nullement à son époux. Rare par ailleurs sont faibles les femmes chez Feydeau, bourgeoises ou domestiques c’est du pareil-au-même, toujours maîtresses du jeu jusque la mauvaise foi, jamais dupes jusque dans leur naïveté toute relative. Cependant, soyons un tantinet positif, seule Hélène Alexandridis en ce rôle semble bien à son aise et, trouvant le ton juste qui manque à ses camarades, tire son épingle du jeu dans cette cacophonie. Mais quelle étrange idée donc de voir les personnages affublés à l’identique, dans l’hôtel de passe où Feydeau les conduit, d’un costume de plumes s’arrêtant au ras des fesses qui les métamorphose en gros poussin blanc, voire en poule et par association sémantique à des cocottes. Proches des Ziegfeld Folies dans leur accoutrements, est-ce à dire que cette basse-cour ne verrait dans le sexe qu’une monnaie d’échange ? Voilà qui est bien réducteur.

Feydeau peut prêter le flanc, et c’est heureux, à toutes les audaces éclatantes, Jean-François Sivadier en 2009 avec La dame de chez Maxim ou très récemment Karel Prugnaud avec On purge Bébé, deux réussites incontestables, à condition d’avoir un réel point de vue ancré, un angle d’attaque tenu, avec l’exigence démoniaque d’un auteur aussi rigoureux qu’audacieux dans la forme et son sujet , où l’absurde n’est que l’acmé et l’épiphanie d’une situation de crise provoquée par ces personnages enferrés dans le mensonge et les faux-semblant et bien loin d’être boulevardier dans le mauvais sens du terme. A quoi Stanislas Nordey semble tristement le réduire… n’ayant ni intentions réelles ni propositions tangibles ou qui ne nous apparaissent pas clairement dans ce brouillon. Quand bien même n’aurions-nous que le plaisir pur du jeu, de ces passes-d’armes irrésistibles que sont les répliques bien piquées de l’œuvre… Rien de tout ça ici non plus ou Stanislas Nordey se contente d’une lecture quasi littérale, au premier degré, sans radicalité ni originalité et sans parvenir à l’énergie folle et dynamique des dialogues qui sont le sel et le moteur de toute l’œuvre de Feydeau. Certains y verront dans cette approche qui tient du degré zéro de la mise en scène du génie, au mieux de l’originalité, là où il n’y a, hélas, que vacuité. Et comme le résume monsieur Pinglet, regardant soudain la salle, et dans un involontaire éclair de lucidité en notre endroit : « avec ça je commence à m’embêter ici ». Restons poli, nous sommes en deçà de la réalité.

 

© Jean-Louis Fernandez

 

L’Hôtel du Libre-Echange, de Georges Feydeau

Mise en scène de Stanislas Nordey

 

Avec : Hélène Alexandridis, Alexandra Blajovici, Cyril Botherel, Marie Cariès, Claude Duparfait, Olivier Dupuy, Raoul Fernandez, Paul Fougère, Damien Gabriac, Anaïs Muller, Ysanis Padonou, Sarah Plume, Tatia Tsuladze, Laurent Ziserman

Collaboration artistique : Claire-Ingrid Cattenceau

Scénographie : Emmanuel Clolus

Lumière : Philippe Berthomé

Costumes : Raoul Fernandez

Chorégraphie : Loïc Touzé, Nina Vallon

Composition musicale : Olivier Mellano, avec la voix de Raoul Fernandez

 

Du 6 mai au 13 juin 2025

Durée 2h55 (avec entracte)

 

Odéon-Théâtre de l’Europe

Place de l’odéon

75006 Paris

 

Réservations : 01 44 85 40 40

www.theatre-odeon.eu

 

 

 

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