© Christophe Raynaud de Lage

ƒƒ  article de Corinne François-Denève

Dans Le Château de Kafka, un nommé « K. », arpenteur, erre dans un monde qu’il comprend mal, mais qui n’a sans doute pas de sens – il y en aura d’autant moins que le roman est resté inachevé. Il y a quelque chose a priori d’inquiétant à voir les élèves d’une école nationale choisir précisément ce roman comme texte-support à leur travail de fin d’année. Sont-ils déjà si rompus à ce qui les attend : l’interminable bureaucratie, l’absurde du monde et, singulièrement, d’une carrière de comédien ? De ce Château-là, Igor Mendjisky et les étudiants de l’ESAD ont toutefois fait une pièce souvent drôle, méta-théâtrale, dont le finale, en fait très émouvant, tire le bilan de trois années (d’école ? de château ?) : les voilà finies, ces trois années d’apprentissage dont les élèves semblent avoir parfois peiné à comprendre le sens, mais dont ils ne peuvent nier la profondeur et la résonance – peut-être encore à venir. Une fois levée la réserve qui veut que Kafka se retrouve dans un XXI^e siècle cinématographique, connecté et médiatique (l’arpenteur devient réalisateur), on se laisse porter par le charme de la « proposition », qui trouve dans le vieux théâtre en bois du lycée Jacques Decour un écrin idéal.

Evidemment, cette étrange histoire a tous les défauts et tous les charmes d’un travail de fin de cycle d’école nationale. Il y aura de la vidéo, de la musique live, des moments dansés, autant de matériaux pour futurs virtuoses de dramaturgies plurielles.  L’étrange histoire… est une pièce décousue et rapiécée, faite pour porter les éléments d’un collectif, et leur offrir à chacun un moment dans la lumière, au meilleur de leur talent. Le spectacle est fait de longueurs et de fulgurances, d’ennuis et de surprises : une chorégraphie nautique qui hésite entre Keaton et Moretti, un loup blanc qui danse sur du Satie, des petits personnages de cimetière qui veulent lorgner vers Bosch, un instant de break dance aussi inattendu que réussi.

Mathias Bentahar campe un K. lunaire et dense à souhait. Marion Déjardin est parfaite en Frieda, toute en douceur et douleur. Eugénie Bernachon est envoûtante dans son personnage de Klamm androgyne. Julien Moreau excelle en ingé’ son break-danseur. Maxime Atmani est un très bon maire jeune et roublard. L’ensemble de la distribution rayonne de ce charme déchirant qu’ont ces (très bons) acteurs de vingt ans, posés sur un seuil, riches de possibles et d’envies.

L’étrange histoire de l’enfant nommé K., mise en scène et adaptation Igor Mendjisky

 
Librement inspiré du Château de Kafka

Avec  Maxime Atmani, Benjamin Bécasse Pannier, Mathias Bentahar, Eugénie Bernachon, Baudouin Cristoveanu, Lucas Dardaine, Marion Déjardin, Hugo Klein, Laurianne Loisel, Coralie Méride, Alex Mesnil,  Julien Moreau, Pauline Murris, Morgane Vallée, Lymia Vitte

Lumières  Stéphane Deschamps
Costumes  May Katrem
Vidéo  Yannick Donet
Scénographie  Claire Massard Et Igor Mendjisky
Co-production  PSPBB/ESAD, Compagnie Les Sans Cou

Les acteurs sont ici : www.esadparis.fr/les-eleves/les-promotions-sortantes

Du 19 au 22 juillet 2017 à 19h

Théâtre du Lycée Jacques Decour
12 avenue Trudaine 75009 Paris

Durée 2h 20 sans entracte
www.parislete.fr

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