© Grégoire Matzneff
ƒƒ article de Hoël Le Corre
1894, l’Affaire Dreyfus divise la France. Nous reviennent en tête souvenirs de cours d’histoire, sur ce capitaine accusé et déclaré coupable d’espionnage ; des souvenirs de dessin de presse d’époque ; et le souvenir, évidemment, d’un des articles de journaux les plus connus : le « J’accuse » d’Émile Zola…
Et c’est cet Émile Zola, au sommet de son succès littéraires après la sortie de la Saga des Rougon Macquart, qui ouvre la pièce. On le retrouve en compagnie de sa maîtresse, enceinte, qu’il tente de cacher à son éditeur qui déboule sans crier gare. La pièce débute donc sur un ton léger, dans le genre vaudeville, et on prend de suite goût à ce rythme rapide, percutant et à cette dose d’humour qui donnera à la fois du relief à la pièce et de la chair et de l’humanité à cet auteur monumental et à tous les personnages qui dessinent ce début de siècle.
Alors que le cas Dreyfus est en train de devenir une véritable « affaire », politique, médiatique, sociale, nous voyons comment Zola la suit de plus en plus près et se retrouve quasiment obligé de démentir les paroles antisémites de l’un de ses personnages qu’on lui prête sans souci de la fiction. Très vite, il devient clair pour l’écrivain que ses mots peuvent servir à autre chose qu’à ses romans, que l’intellectuel reconnu qu’il est peut servir la cause de Dreyfus, en dépit des craintes de son éditeur.
En parallèle, nous est présenté un Méliès aussi avide de dénoncer la supercherie que Zola. Nous découvrons alors, car cela est assez peu connu, que le magicien-cinéaste, non content d’avoir réalisé le premier film « de plus de 10 minutes » a également, avec celui-ci présenté, le premier film censuré au monde ! Nous assistons au tournage savoureux de ce film sans vrais acteurs professionnels et aux trucages élémentaires.
Le point commun entre ces deux-là ? Pour ces Téméraires, seule compte la Vérité. Et ils vont tout mettre en œuvre pour la faire émerger malgré la corruption, l’antisémitisme et le besoin de bouc-émissaire. Il leur en faudra du courage et de la conviction ! C’est criant de justesse, et d’actualité…
Nous passons ainsi d’un tableau à l’autre, dans des transitions musicales rapides et efficaces, tenus en haleine par le suspens (alors même que nous connaissons le dénouement ultime de ce procès) et impressionnés par les changements de costumes et de rôles des sept comédiens qui interprètent une trentaine de personnages. Seul bémol, selon nous, pour une fin qui donne à la pièce un ton un peu plus mélo-dramatique et une longueur inutile.
Il n’en reste pas moins que ce texte, à la fois documenté historiquement, riche en anecdotes et accessible à tous nous replonge parfaitement à cette époque où les intellectuels pouvaient vraiment faire basculer l’Histoire, où leur parole comptait, où leurs combats pouvaient durer plus que le temps d’un tourbillon de 140 caractères. Sans didactisme, mais grâce à un rythme soutenu et une énergie convaincue des acteurs, on en ressort aussi ému qu’en ayant appris pas mal de choses. Du théâtre populaire, divertissant comme on aime !
© Grégoire Matzneff
Les Téméraires, de Julien Delpech et Alexandre Foulon
Mis en scène : Charlotte Matzneff
Avec Arnaud Allain, Stéphane Dauch, Armance Galpin, Romain Lagarde, Barbara Lamballais, Sandrine Seubille et Thibault Sommain
Assistante mise en scène : Manoulia Jeanne
Musique : Mehdi Bourayou
Scénographie Antoine Milian
Lumières : Moïse Hill
Costumes : Corinne Rossi
À partir du 7 septembre 2023
Mercredi 19h, jeudi 21h, vendredi 19h, samedi 21h et dimanche 17h
Relâche : vendredi 13 octobre 2023
Durée : 1h30
Comédie Bastille
5 rue Nicolas Appert
75011 Paris
Réservations : 01 48 07 52 07
www.comedie-bastille.com
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