À l'affiche, Critiques // Les Sorcières de Salem, d’Arthur Miller, mise en scène et version scénique d’Emmanuel Demarcy-Mota, Théâtre de la Ville-Espace Cardin

Les Sorcières de Salem, d’Arthur Miller, mise en scène et version scénique d’Emmanuel Demarcy-Mota, Théâtre de la Ville-Espace Cardin

Mar 28, 2019 | Commentaires fermés sur Les Sorcières de Salem, d’Arthur Miller, mise en scène et version scénique d’Emmanuel Demarcy-Mota, Théâtre de la Ville-Espace Cardin

 

© Jean-Louis Fernandez

 

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault

Les Sorcières de Salem a été jouée pour la première fois à Broadway en 1953. Arthur Miller reçut une Antoinette Perry Award pour cette pièce où la fin du 17e siècle fait rebondir les spectateurs médusés en plein milieu de la lutte contre le Maccarthysme.

Miller reprend toutes les ficelles de cette histoire terrible, qui eut lieu dans une petite ville du Massachusetts  en 1692. Deux petites filles, de 9 et 11 ans, en sont le point de départ. Elles se disent habitées par le démon, plongées dans des convulsions terribles, avec deux ou trois amies, puis d’autres encore, contamination surprenante, de la faute tout d’abord et peut-être, de la servante antillaise de l’une des deux, leur ayant appris à converser avec Satan… D’autres « sorcières » apparaîtront. Des procès terribles suivront, environ mille personnes seront condamnées, 19 exécutées, d’autres jetées en prison, hommes et femmes, sans défense et sans le sous, ou au contraire en possession de grandes terres fort convoitées, hasard, malheureux et innocent hasard, n’est-ce pas ? Comme disait Michelet en 1862, dans La sorcière, non sur Salem mais sur cette même idée : « On trouva des supplices exprès ; on leur inventa des douleurs. On les jugeait en masse, on les condamnait sur un mot. »

Cette pièce se sert de cette histoire comme « vocabulaire. » Le véritable, profond sujet est le magma du Maccarthysme secouant les Etats-Unis dans les années 1950. Miller sera lui-même une sorcière, dénoncée en 1956 par son ami Elia Kazan, poussé vers ce geste immonde exactement pour les mêmes raisons que dans Les Sorcières de Salem : s’il ne « vendait » personne, il serait accusé d’outrage à la commission et sa carrière foutue. Alors il en « dénonça » douze, dont Miller. Le HUAC (House Committee on Un-American Activities) cherchait, pourfendait, poussait à donner des noms, trouvait le mal sous chaque pas, ce terrifiant communisme, monstre noir qui rôdait partout et dont Miller s’était approché. Il était donc, sinon le diable en personne, du moins un incube à deux doigts d’épouser Marylin Monroe. Horreur, malheur, putréfaction !!!

Miller avait assisté en effet à quelques réunions, signé ici ou là des pétitions. Pour ne rien arranger, il refusa de donner d’autres noms, la sorcière se débattait ! Il fut condamné pour outrage en 1957, condamnation annulée par la cour d’Appel américaine en 1958.

Emmanuel Demarcy-Mota comme assez souvent, nous offre une présentation forte du texte de Miller. Le danger est là, celui du 17e siècle tout comme celui du 21e, oui, nous sommes à nouveau en plein dans ces immondes disputes guerrières. L’apparition d’abord énervante puis acceptée, d’un téléphone portable, nous fait saisir tout cela. Les fillettes sont devenues ici des adolescentes, ou des femmes quittant presque cette ère surprenante. Tous ces comédiens et comédiennes avancent dans le texte avec sobriété, poids, présence. Les Sorcières de Salem poussent la folie simple et amusante à être remplacée par les condamnations, la mort, la peur, aujourd’hui. Toute cette simplicité de jeu nous donne l’impression de « lire » ce texte fort de Miller. La beauté du jeu des sorcières nous emporte, la colère est là, les questions pleuvent. On sort de la salle un peu plus fort, poussé vers une réflexion contemporaine, une attention plus forte oui, soyons sur nos gardes pour tenter d’échapper aux folies disgracieuses de notre époque.

 

© Jean-Louis Fernandez

 

 

Les Sorcières de Salem, d’Arthur Miller

Mise en scène & version scénique  Emmanuel Demarcy-Mota

Assistant à la mise en scène  Christophe Lemaire

2e assistante à la mise en scène  Julie Peigné

Scénographie  Yves Collet & Emmanuel Demarcy-Mota

Lumières  Christophe Lemaire & Yves Collet

Costumes  Fanny Brouste

Musique  Arman Méliès

Création vidéo  Mike Guermyet

Maquillage  Catherine Nicolas

Création sonore  Flavien Gaudon

Accessoires  Christophe Cornut

Assistant lumières  Thomas Falinower

Assistante costumes  Alix Descieux-Read

Réalisation costumes  Albane Cheneau, Margaux Ponsard

Assistant son  Nathan Chenaud Joffart

Conseiller artistique  François Regnault

Training physique  Nina Dipla

Travail vocal  Maryse Martines

Version française du texte  François Regnault, Julie Peigné, Christophe Lemaire

 

Avec Élodie Bouchez, Serge Maggiani, Sarah Karbasnikoff, Philippe Demarle, Sandra Faure, Jauris Casanova, Lucie Gallo, Jackee Toto, Marie-France Alvarez, Stéphane Krähenbühl, Éléonore Lenne, Gérald Maillet, Grace Seri, Charles-Roger Bour

 

 

Théâtre de la Ville-Espace Cardin

1, avenue Gabriel

75008 Paris

 

Réservations : T+ 01 42 74 22 77

www.theatredelaville-paris.com

 

Métro lignes 1, 8, 12 : Arrêt Concorde, sortie N°7 avenue Gabriel
Métro lignes 1, 13 : Arrêt Champs-Elysées Clemenceau
Bus 24, 42, 52, 72, 73, 84 et 94 : Arrêt Place de la Concorde

 

 

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