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Les Sonnets de Shakespeare au Théâtre de la Bastille

Sep 24, 2015 | Commentaires fermés sur Les Sonnets de Shakespeare au Théâtre de la Bastille

Entretien d’Ulysse Di Grégorio avec Norah Krief

21 septembre 2015

 

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– En quoi les sonnets de Shakespeare vous inspirent-ils ? Quel sens cela a-t-il aujourd’hui ?

C’est difficile à dire, j’ai créé ça en 2000, il y a une quinzaine d’années. Cela fait longtemps que ce travail et ces textes sont en moi, et j’ai toujours trouvé que ces textes restaient d’actualité. Ils résonnent toujours en moi même s’ils ont été écrits entre 1592 et 1598 ! ce qui est donc très lointain. Ils racontent l’amour, le temps qui passe, la brièveté de la vie, la passion, ils s’adressent à tout le monde et je me sens concernée, très concernée. Et puis il y a une dimension politique qui n’est pas négligeable.

 

– Quelle difficulté principale avez-vous rencontrée dans la poésie de Shakespeare (en plus du phénomène de la traduction) ?

C’est une forme très particulière. J’ai joué Le Roi Lear, et quelques autres pièces de Shakespeare, mais là ce sont des petites formes, c’est son journal intime, c’est un peu comme si l’on surprenait Shakespeare au repos. Il écrit quelque chose de très vivant, de très présent. Ce n’est pas forcément pour la postérité qu’il écrit, mais c’est son présent avec cet homme dont il était amoureux fou. Pour ma part, je ne parlerais pas de difficulté à proprement parler concernant les sonnets, mais plutôt d’un travail très long car il y a plusieurs niveaux de lecture. Les sonnets sont courts, très denses, et tout cela est à intégrer. C’est très puissant, c’est comme les « clips » de maintenant, c’est quelque chose d’atomique, comme une bombe, explosif ! J’ai toujours peur de ne pas bien le transmettre aux gens.

 

– Comment avez-vous procédé au choix de ces poèmes alors que les Sonnets sont au nombre de 154 dans l’œuvre de Shakespeare ? Les avez-vous choisis seule, ou avec l’aide du compositeur ?

J’en ai choisi 16 parmi les 154 avec le compositeur Frédéric Fresson et le traducteur Pascal Collin, et nous avons tous les trois pris la décision de les maintenir dans la même chronologie que celle du recueil. Il y a une évolution, et dramaturgiquement nous sommes face à une histoire qui « vrille » parce que « l’autre » n’est pas là.

 

– En tant que comédienne, que trouvez-vous de plus dans le chant ? ou de différent ?

Le trio de musicien est quelque chose de très puissant qui nous porte, et le rapport frontal (que je travaillais aussi avec Jean-François Sivadier et avec Lacascade) est très important. Là, c’est vraiment un « frontal », il n’y a pas de jeu : j’ai des partenaires musiciens, mais l’adresse est au public, c’est à lui que je parle et à qui je m’adresse. Il y a quelque chose de très enivrant et de très jubilatoire dans ce rapport parce que je peux jouer devant lui (le public), et le chant m’amène aussi à une réalité très concrète, très vivante.

 

– On reçoit les sonnets presque plus lorsqu’ils sont chantés que parlés, car il y a une telle musique, surtout en anglais puisque la langue porte en elle une telle musicalité. Il y a comme une évidence à passer par le chant : on reçoit les sonnets de manière directe, il y a cette musicalité et ce souffle.

Oui il y a une évidence et une vraie dramaturgie dans la musique qui me raconte « moi » également. C’est cela que j’aime dans ce spectacle, dans ce travail : il n’y a pas de personnage du tout. Je suis moi, je reviens à moi, et puis je peux m’amuser en faisant des allers-retours avec les personnalités diverses que Shakespeare crée.

 

– Le rapport au public, plus frontal qu’au théâtre, vous semble-t-il plus privilégié ?

Je pense que l’adresse est fondamentale. En tout cas, la première question qu’on se pose sur le plateau est la suivante : à qui nous adressons-nous ? Pourquoi racontons-nous ou chantons-nous cela ?… Comment dire ? Le chant est vraiment particulier en raison du rapport frontal, car même si au théâtre je vois les gens dans la salle, je vois les visages, là je m’adresse à eux directement. Je suis dans une véritable interaction avec eux, je peux même les toucher, parler à un tel et à un autre et encore à un autre. Je peux regarder tout le monde.

 

– Dans cette vingtaine de sonnets que vous interprétez, duquel vous êtes-vous sentie le plus proche ce soir ? Pourquoi ?

Je ne sais pas, je ne pourrais pas dire qu’il y en ait un plus que les autres, c’est un parcours. Oui, il y a ce moment du fou que j’aime bien, et où je retrouve le chapeau que je portais dans le Shakespeare dans lequel je jouais. C’est un personnage qui me touche beaucoup.

 

– Seriez-vous tentée d’approfondir plus amplement cette carrière de « chanteuse » ? Qu’est-ce que cette expérience vous a-t-elle apporté dans votre jeu de comédienne ?

Je ne me considère pas à proprement parler comme « chanteuse », mais je dirais plutôt comme interprète et que cela passe ici par le chant. D’ailleurs, je chanterai à nouveau du 7 au 13 janvier sur la scène du théâtre Monfort pour le spectacle « Revue Rouge » mis en scène par Eric Lacascade. Et je serai accompagnée par David Lescot avec sa guitare et sa trompette ! C’est un spectacle qui rassemble des chants révolutionnaires de plusieurs pays et d’époques diverses, on retrouve notamment Brecht, Léo Ferré…

 

Interview réalisée par Ulysse Di Gregorio

 

Les Sonnets de Shakespeare
Texte William Shakespeare
Direction artistique Richard Brunel
Traduction, adaptation Pascal Collin
Composition et direction musicale Frédéric Fresson
Chant Norah Krief
Batterie, percussions, voix Philippe Floris Piano,
voix Frédéric Fresson
Basse, voix Philippe Thibault
Son Olivier Gascoin
Lumière Kevin Briard
Costumes Éric Massé
Coaching vocal Myriam Djemour
Réalisation costumes Dominique Fournier

Du 21 septembre au 9 octobre 2015

Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette – 75011 Paris
Métro Bastille (ligne 5,1,8)
Réservation 01 43 57 42 14
www.billetterie.theatre-bastille.com

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