Critiques // Les Ratés de Natacha de Pontcharra, mise en scène de Fanny Malterre au Lucernaire

Les Ratés de Natacha de Pontcharra, mise en scène de Fanny Malterre au Lucernaire

Fév 08, 2015 | Commentaires fermés sur Les Ratés de Natacha de Pontcharra, mise en scène de Fanny Malterre au Lucernaire

ƒ article de Victoria Fourel

 

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Naître différent, être bizarre, mal fichu, vivre à rebours du reste du monde, bref, être un raté… Le texte de Natacha de Pontcharra s’attache à deux frères nés avec « des têtes de rats », qui se heurtent à un monde trop grand pour eux.

Cette mise en scène se base sur le récit des frères et de leur père, et tend vers le conte, la fable. Les comédiens, assis sur des tabourets, sont au plus près du public, jouent avec un côté choral, mais aussi photo de famille. Le public a le temps de s’attacher aux visages, aux voix, d’écouter un texte tout en nuances de langue, et plein de jeux de mots. Les personnages revivent des instants de leur vie, avec une tendresse douce-amère, autant dans le jeu que dans le texte. Véritable tragédie comique, on rit de ces portraits, en même temps qu’on se laisse gagner par une tristesse infinie pour ces personnages, un peu perdus dans cette fatalité sociale.

Mais si le ton est celui d’un témoignage, ce parti pris donne des transitions par le noir parfois discutables entre les scènes, et de temps en temps des retombées de rythmes, notamment dues au fait que les choix ne permettent pas toujours aux comédiens de s’appuyer sur les jeux de mots très drôles, sur les évidences énoncées avec candeur, sur les épisodes de vie dont on rit pour ne pas en pleurer. On aimerait voir les trois personnages dans des instants de vie quotidienne, ou de mouvements, pour apprendre à les connaître, et pourquoi pas s’autoriser à rire franchement de leur situation de laissés-pour-compte. Car cette histoire de tendres esseulés oscille toujours entre l’humour et le drame, sans jamais aller assez loin dans l’un ou l’autre. Les moments de tendresse, les petits coups de gueule, les phrases qu’ils se partagent, et leurs connaissances précises de ces mondes dont ils sont rejetés, tout ça aurait pu être plus drôle, plus vivant, plus fort, encore. Mais la qualité des silences, les belles voix et lumières, font toutefois que l’on entre très bien dans ce tableau et dans cette rencontre avec les personnages.

Principal attrait de ce type de mise en scène, il permet aux personnages d’être toujours offerts aux yeux du public et ainsi à trouver à la fois leur unité et leurs personnalités propres. Au fur et à mesure des expressions, des épisodes de leur vie et des regards entre eux, on lit tout avec précision : l’amour et l’impuissance du père, la candeur et l’application des deux frères à être ce que l’on attend d’eux, et à s’en contenter. La fin est certes très abrupte (et l’est d’ailleurs trop pour que l’on en comprenne toute la force, à la fois comique et tragique), mais ce tableau de famille original et très moderne donne au final à voir a priori l’histoire des idiots du village, et a posteriori une chronique d’une société trop grise et trop carrée pour les gens différents.

 

Les ratés
Texte Natacha de Pontcharra
Mise en scène et scénographie Fanny Malterre
Costumes Delphine Capossela
Lumières Stéphane Baquet
Son Manuel Langevin
Avec Jean-Christophe Allais (Jef), Jean-Yves Duparc (Papa), et Rainer Sievert (Jeffy).

Du 4 février au 21 mars 2015 – du mardi au samedi à 18h30

Théâtre le Lucernaire
53, rue Notre-Dame des Champs – 75006 Paris
Métro Notre-Dame des Champs, Vavin, Saint-Placide ou Edgar Quinet
Réservation 01 45 44 57 34
www.lucernaire.fr

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