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Les quatre femmes de Dieu, conception et écriture de Marie Le Corre, au Café de la danse

Juil 07, 2023 | Commentaires fermés sur Les quatre femmes de Dieu, conception et écriture de Marie Le Corre, au Café de la danse

 

© Antoine Monegier du Sorbier

 

fff article de Denis Sanglard

 Quatre femme de Dieu, quatre femmes de feu, quatre femmes du feu de Dieu ! Loin du paradis mais bien plus proche des enfers, ces quatre circassiennes mènent un formidable sabbat carbonisant plus les planches que les brulant. Sorcière, sainte, putain et imbécile, quatre archétypes pour représentation de la femme au cours des siècle hérités de l’Eglise, tirés de l’ouvrage éponyme de Guy Bechtel qui donne son titre à cette création ardente et dont Marie Le Corre s’empare pour cette création chaude comme la braise des bûchers de l’inquisition sur lesquelles elle souffle avec jubilation. Marie Le Corre sur son fil, Thaïlai Knight sur son tapis de bris de verre, Tarzana Foures sur son trapèze, Séverine Bellini en ses contorsions, offrent un spectacle décapant et rude, entre cirque et cabaret, pulvérisant non sans humour ni poésie les clichés qui leur collent à la peau depuis des lustres.

Point d’angélisme non plus, la sororité affichée d’emblée avec le sourire de circonstance n’est pas sans vilains accrocs, et la compétition entre elles l’écornant sévèrement, se termine ici en pugilat des plus féroce. Le féminisme n’est pas toujours ici un humanisme quand il se cogne à l’individualisme. La femme est une louve pour la femme, nous voilà prévenu. « Pathétique », le mot lâché en conclusion de cette création teintée de vitriol, aussi drôle et définitif soit-il, ne doit pas non plus faire illusion.  Rien n’est ici pathétique, les numéros vous laissent pantois, on fait des ho et des ha !, les dents grincent d’effroi, on frémit même de tant d’aisance dans la prise de risque. Marie Le Corre dans le rôle de l’ingénue, est une funambule d’une grande élégance, maîtrisant aussi bien l’art de la chute… provoquée sciemment par ses consœurs (et l’on se dit que ça commence mal dans la concorde affichée). Thaïlai Knight, la sorcière, ne crache pas le feu, non, elle l’avale le plus naturellement du monde. Femme fakir faisant son lit d’une planche à clou ou de verres tranchants. Et les aiguilles ici ne brodent que sa peau tatouée. Tarzana Foures est une sainte qui lévite sur son trapèze ballant, sans longe, entre ciel et cintres, côtoyant au plus près les projecteurs comme elle le ferait des étoiles. Séverine Bellini nous la joue putain, nue comme lilith, contorsionniste exhibitionniste qu’on croirait sortie toute droite d’un peep-show infernal. Avec cette différence d’importance qu’elle se fout du regard des hommes, n’exprimant là vertement, crûment que son propre désir. Voilà en grossier résumé la part de chacune.

Mais leur art est bien plus que cela. Elles y insufflent un foutu sentiment de puissance ancrée, défiant, voire s’en méfiant, la représentation traditionnelle de leur discipline respective. C’est trash, cash et crû. Surtout, à l’exception de Marie Le Corre, elles ont une maturité que l’on voit peu chez les circassiennes. D’ailleurs elles ne se le font pas dire deux fois qu’elles sont vieilles, balancé ici comme réplique vacharde. Et ça, c’est leur force absolue. C’est le plus de cette création où la précision du mouvement se double de l’expérience, d’un sentiment de vie traversée qu’elles déversent à flot chacune dans leur discipline, la transfigurant au plus haut point et qui devient un manifeste. Imparable. Ici le cirque c’est bien plus que du cirque, c’est la traversée d’une existence qu’on devine ardue et dense. C’est d’ailleurs ça qui apparait ici, l’envers du décor, l’enfer des corps soumis à la discipline, à la compétition, qui peut faire imploser une communauté et la plus belle des utopies. Marie Le Corre a bien saisi ça, qu’elle met au service d’une dramaturgie intelligente et d’une mise en scène sans concession, impeccable, de tableaux satiriques en tableaux oniriques, qui au final dresse en creux le portrait de quatre femmes puissantes, artistes performeuses se jouant, pas dupes et crânes, de l’image infernale qu’elles offrent sur ce plateau couvert de sciure, comme autant de cendre à venir.

 

© Antoine Monegier du Sorbier

 

Les quatre femmes de Dieu, écriture et mise en scène de Marie Le Corre

 

Avec Marie Le Corre, Tarzana Foures, Séverine Bellini, Thaïlai Knight

 

Lumières : Chaleix

Regard extérieur Théâtral : Karelle Prugnaud

Regard extérieur chorégraphique : Dalila Cortes

Régie générale son : Pierre Pleven

Construction : Bastien Ortega

 

Spectacle conseillé à partir de 16 ans

 

Le 5 et 6 juillet 2023 à 21h

 

Le Café de la Danse

5 passage Louis-Philippe

75011 Paris

 

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