ƒƒƒ Article de Victoria Fourel
© Samuel Rubio
Le mouvement permanent, le refus de l’installation, le désir pur. Adapté d’un roman de Faulkner, ce spectacle suit la rencontre et la course d’un amour incroyablement fort, sans mesure ni chemin classique. Ne jamais rien laisser se distendre, fuir en avant s’il le faut, Harry et Charlotte sont prêts à tout pour vivre leur coup de foudre, et ce toute leur vie.
Le plateau immense des Ateliers Berthier est transformé en gigantesque terrain de jeu pour ces Palmiers Sauvages. Matelas, lits, lumières, meubles, recoins, couloirs, il y a tant à faire et les deux comédiens utilisent l’espace comme un champ de course où il faut s’épuiser. La même chose se retrouve dans les lumières et le son. C’est d’une grande richesse visuelle et sonore, une vraie mise en scène hyperactive. Il y a une très belle utilisation d’un bruit ambiant, très moderne et parfois utilisé jusqu’à la nausée dans le théâtre contemporain, mais qui ici fait sens et tend un lien entre chaque tableau, entre chaque moment, empêche la tension de retomber pendant les noirs. Une grande science du détail transparaît. Il y a de la surprise, de la technique, de l’effet, et à chaque moment, son détail. Une lumière, un changement de costume, ou bien un instant qui touche à la performance d’acteur, un néon, un matelas, un piano et sa pianiste, presque invisibles, dans la pénombre. Il y a une inventivité de laboratoire dans cette adaptation, mais une grâce d’une saga de cinéma.
Cette histoire est fascinante car elle prend tous les détours de la comédie : mime, folie, blague, petites tranches de quotidien, éclat de rire. Puis elle se questionne tourne en rond, et s’enfonce dans la tragédie. On apprécie d’emblée le fait que cette histoire, dans laquelle il ne se passe rien, soit si passionnante. Et l’adaptation est complètement juste car elle fonctionne en séquences, pour rendre ce que tend à rendre un roman. Elle est composée de scènes d’une minute, et d’autres, fleuves, débattent, ressassent, et semblent durer une éternité. Intelligente construction. Le spectacle est fait de phases, d’états. Et ça ne s’arrête jamais. Comme des enfants, ces amoureux dépendants et accrochés l’un à l’autre se lassent et changent d’activité, comme la metteure en scène change d’outils, de médias pour nous raconter leur vie. Pour ne pas s’ennuyer, on invente, on brasse, on filme, on fait tomber des choses, on saute, on danse, on fait l’amour. Vif comme l’enfance, violent comme un orage, ce spectacle est moderne, innocent, intelligent, jeune. Et c’est aussi à peu de choses près la définition qu’il donne de l’amour.
Les Palmiers Sauvages
Texte William Faulkner
Mise en scène Séverine Chavrier
Avec Séverine Chavrier, Laurent Papot, Déborah RouachDu 3 au 25 juin 2016
Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h.Théâtre de l’Odéon – Ateliers Berthier
1 rue André Suares 75017 Paris
Métro Porte de Clichy (ligne 13)
Réservation 01 44 85 40 40
www.theatre-odeon.eu/fr
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