© Fabienne Rappeneau

ƒƒƒ article de Hoël  Le Corre

Ça commence par des cloches d’église. Ça commence un 2 août. Celui de 1914, celui de la mobilisation générale. Quatre femmes voient leurs maris, frères, fils, amis, partir au front pour ce qui ne sera « qu’une affaire de quelques semaines »… Mais voilà que ce monde « sans hommes » s’éternise, et il faut trouver de la main d’œuvre pour les uns, un salaire pour les autres.

En toile de fond, la Première Guerre Mondiale, et devant nous, dans le huis clos d’une usine d’armement, quatre femmes de conditions différentes, qui vont devoir se confronter au monde du travail à la chaîne, qui vont aussi goûter à la solidarité, l’émancipation et forger les prémices de se qui deviendra le « féminisme ».

Mais pour le moment, à l’arrière, il s’agit surtout de survivre : survivre aux restrictions alimentaires, aux difficiles conditions de travail de tourneuses d’obus et aux macabres nouvelles qui arrivent du front. Julie, Rose et Jeanne arrivent une à une dans cette usine, et très vite un lien se tisse. Elles commencent par échanger des conseils sur les machines, la sécurité et les temps de pause, mais très vite, leurs discussions se font plus intimes et on découvre des pans de la vie de chacune. Quand arrive Louise, journaliste militante et suffragette, qui va bouleverser les certitudes de ces femmes. Elle leur fait découvrir une nouvelle vision possible de la femme : indépendante, libre et affranchie. Sans presque s’en apercevoir, on glisse d’une rencontre forcée à une véritable amitié entre ces quatre-là. Grâce au jeu subtil des comédiennes, on avance avec ces personnalités, on les découvre et on espère, on vibre et on pleure avec elles. D’autant que l’écriture oscille entre une narrativité et des moments d’interprétation justes et intenses.

Petit à petit, la lutte s’organise, le mouvement grandit entraînant toutes ces tourneuses d’obus vers le combat social. C’est là que le destin des filles aux mains jaunes, exploitées pour un salaire misérable, entre en résonance avec l’Histoire sociale et politique. Elles vont apprendre à revendiquer leurs droits : le vote des femmes, l’égalité des salaires et la protection du travail au sein des usines. On se retrouve réellement galvanisé.e.s par leur combat, on a envie de crier avec elles, les larmes aux yeux, le poing serré et à gorge déployée : « à travail égal, salaire égal. » La salle n’a d’ailleurs pas manqué d’applaudir à ce moment-là, autant pour remercier les artistes sur scène de porter cette voix qui vient d’avant, que par solidarité pour ce combat toujours actuel.

La mise en scène fluide et chorégraphiée de Johanna Boyé nous fait ainsi parcourir ces cinq années de guerre pendant lesquelles les corps et les esprits changent. Et il se pourrait bien que l’h(H)istoire ne s’arrête pas là…

© Fabienne Rappeneau

Les filles aux mains jaunes, de Michel Bellier

Mise en scène : Johanna Boyer

Avec Brigitte Faure (en alternance avec Brigitte Damiens), Anna Mihalcea, Pamela Ravassard, Elisabeth Ventura

Costumes : Marion Rebmann
Univers sonore : Mehdi Bourayou
Lumières : Cyril Manetta
Chorégraphies : Johan Nus
Scénographie : Olivier Prost
Assistante à la mise en scène : Lucia Passantini

Durée : 1 h 30

A partir du 22 septembre 2022
Du mercredi au samedi à 19h
Matinées les dimanches à 17h30

Théâtre Rive Gauche
6, rue de la Gaîté
75014 Paris

Réservations : 01 43 35 32 31

www.theatre-rive-gauche.com

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