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Les Etrangers, de Clément Bondu, mise en scène de Clément Bondu, Théâtre de la Cité Internationale

Mar 23, 2022 | Commentaires fermés sur Les Etrangers, de Clément Bondu, mise en scène de Clément Bondu, Théâtre de la Cité Internationale

 

© Dylan Piaser

 

ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia

Les Étrangers fait partie des romans dont on avait vu de belles critiques à l’automne dernier et que faute de temps on n’avait pourtant pas lu, en dépit du plaisir toujours aussi impatient d’ouvrir un livre des éditions Allia à la présentation soignée et avec un papier au toucher parfait.

Alors l’occasion était belle de se rendre au Théâtre de la Cité internationale où il se passe souvent des choses intéressantes, pour une adaptation par l’auteur lui-même de son texte et dont il a assuré aussi la mise en scène. Clément Bondu a créé sa pièce en novembre 2021 à Toulouse presque concomitamment à la sortie de son roman éponyme.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire en lisant le titre, Les Étrangers est un spectacle qui ne traite pas de la migration ou de l’Altérité, ou alors très peu. Les Étrangers fait plutôt écho à cette expression française si singulière d’être étranger à soi-même.

En différents tableaux, l’auteur offre des récits entremêlés d’une génération née dans les années 1980 qui se sent ou devient étrangère à elle-même. En tout cas, c’est ce que l’on finit par déduire de la pièce en en sortant ou plutôt en y repensant quelques heures plus tard. Car la pièce produit un effet à retardement.

Sur le moment, il faut bien avouer qu’on s’y est un peu ennuyée. Pourtant, la langue est souvent belle, la mise en scène et la scénographie sont extrêmement fouillées (contrairement à ce que la sobriété de la première scène semblait laisser augurer), les comédiens sont à quelques répliques près, bons, voire même très bons, comme Vanessa Fonte captivante dans son monologue au parlé souriant de la troisième Partie, Lisa Kramarz dans la scène (excellente également du point de vue de l’écriture) de l’illumination au musée face à un tableau du Caravage à Naples (qui inspire décidément les dramaturges – cf La Réponse des hommes de Tiphaine Raffier chroniqué dans ce blog), ou Mathieu Perotto tout le long, y compris dans des passages où il n’était pas facile de rester convaincant, tel celui de sa rencontre avec Marianne, dont on se demande un temps si le récit est mièvre ou s’il faut le prendre au 3ème degré.

Il n’est pas facile de proposer une adaptation théâtrale, qui plus est d’un texte à l’écriture dense, serrée et extrêmement narrative. Le choix de garder en grande partie la structure du roman (à quelques exceptions près le prologue de la pièce est extrait de pages de la fin de la première partie du roman), et d’indiquer de manière didactique le découpage par des affichages vidéo des parties et chapitres avec leurs intitulés (certains sont par ailleurs ajoutés comme « l’illumination au musée » qui ne figure pas comme telle dans le roman), ainsi que des lieux (nombreux) et situations, n’est peut-être pas le meilleur moyen pour produire du sens dramaturgique, ce qui ne sert pas forcément le roman, et encore moins la pièce.

Ne retenir, sur un temps plus resserré, que des tableaux de ces solitudes individuelles (Paul, Marianne, Aurore, Ida, Ismaël), pour mieux traduire le langage géographique tellement élaboré de leurs crises existentielles, serait plus percutant et intimidant en ramenant le propos de Clément Bondu, auteur incontestablement talentueux et artiste polymorphe (dans l’écriture, la mise en scène, le cinéma) à l’essentiel.

Paul aime follement Marianne, qui le quitte. Puis Paul tombe amoureux de son amie Aurore et ils se quittent. Paul aime Ismaël et il disparaît. Paul cherche, court après ses amours, mais surtout cette figure de l’amitié et de la jeunesse perdue ou passée en se perdant lui-même. Ismaël existe-t-il vraiment ? Peu importe. Paul ne retrouve que des fantômes et tout d’abord le sien. Le propos n’est peut-être pas aussi désespéré que celui de Pessoa, c’est de l’Inquiétude (intitulé de la première partie) pas de l’Intranquillité. Mais le message est tout aussi crépusculaire, et la pièce à laquelle on a pourtant préféré le roman, laisse une fine couche d’un goût étrangement amer.

 

© Charles Chauvet

 

Les Etrangers, de Clément Bondu

Mise en scène : Clément Bondu

Assistante à la mise en scène : Sarah Delaby-Rochette

Scénographie et costumes : Charles Chauvet

Création lumière, régie lumière et générale : Nicolas Galland

Assistante création lumière et régie lumière : Amandine Robert

Régie son et vidéo : Mathieu Plantevin

Musique originale : Jean-Baptiste Cognet

 

Avec : Mona Chaïbi, Vanessa Fonte, Lisa Kramarz, Antonin Meyer-Esquerré (à l’image), Mathieu Perotto

 

 

Durée 2 h (sans entracte)

Jusqu’au 31 mars 2022

A 20 h les lundis et vendredis, 19 h les mardis, jeudis et samedis

 

 

Théâtre de la Cité Internationale

17 Boulevard Jourdan, 75014 Paris

www.theatredelacite.com

 

 

 

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