© Jean-Louis Fernandez
ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia
Le décor est bien planté. Aux sens propre et figuré. La salle des Abbesses se trouve transformée en auditoire d’un vieil amphi de la Sorbonne. Sa chaire, un squelette à cour, un scaphandrier à jardin, des fresques de type raphaélite ou préraphaélite. Des lampes à la lumière tamisée. Un foisonnement d’accessoires qui ne feront que se multiplier dans l’heure 20 de représentation. Et Les doyens apparaissent. Un panneau coulissant à la verticale en fond de plateau, les dévoile sur une scène surélevée. Perruqués, grasseyant, pérorant, se gargarisant de leurs personnes, méprisant déjà leur auditoire, immédiatement qualifié de cancres, ainsi que leur factotum, mi-assistant, mi enfant-adopté par ces deux pères qui dépassent de loin la sottise de Bouvard et Pécuchet par leur profonde toxicité.
Le spectacle est censé être pour les enfants. Et de fait les quelques présents pouvant répondre à la définition dans la salle, rient de bon cœur à la danse des canards et autres facéties corporelles, ou même certaines invectives ou fausses questions, sur le malheur d’avoir des parents divorcés par exemple que ne valide pas du tout un petit garçon placé en balcon le soir de la première. Mais le spectacle s’adresse surtout à la part d’enfance que nous conservons tous quelque part et à laquelle nous laissons plus ou moins de place. Ce sont en effet surtout les adultes qui rient à gorge déployée des railleries et autres galéjades de ces deux professeurs de pacotille qui enfilent Hésiope, Darwin, Rousseau, Foucault comme des perles. Il existe éventuellement plusieurs niveaux de compréhension. Seuls les initiés ou les théâtreux apprécieront les blagues sur Stanislas Nordey et les citoyens engagés celle sur les OQTF. Mais quand les mots savants (paranamase, …) se mêlent au langage djeune (« wesh »…) et qu’un concours de rots et de pets, slip souillé en prime, s’achève, avant d’enchainer sur Sheila et un succédané d’ACDC, toutes les générations communient dans un contentement régressif.
Même si la dernière partie manque un peu de souffle en dépit des effets visuels déployés, et que l’implication de quelques spectateurs sur scène ne convainc pas, le pari de Christophe Honoré est incontestablement réussi.
© Jean-Louis Fernandez
Les doyens, de Christophe Honoré
Mise en scène : Christophe Honoré
Collaboration à la mise en scène : Christèle Ortu
Scénographie : Thibaut Fack
Lumières : Mogan Daniel
Création et régie son : Jean-Baptiste de Tonquédec
Costumes : Oriol Nogues
Perruques : Catherine de Saint-Sever
Assistanat à la dramaturgie : Alexandre Cordier
Régie générale et plateau : Frédéric Plou
Régie lumière : Charly Hové
Construction des décors : L’Atelier Baraka
Avec : Julien Honoré, Jean-Charles Clichet et Sylvain Debry
Jusqu’au 18 novembre 2023
Durée 1h20
Théâtre de la Ville – Les Abbesses
31 rue des Abbesses
750018 Paris
réservations : 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com
Tournée :
23 et 24 novembre 2023
MA Scène nationale – Pays de Montbéliard
28 novembre au 1er décembre 2023
Comédie de Reims – CDN
6 au 8 décembre 2023
Volcan, Scène nationale du Havre / Festival Ad Hoc
21 au 23 décembre 2023
Théâtre national de Nice
11 et 12 janvier 2024
Scène nationale de l’Essonne, Evry
17 au 21 janvier 2024
Théâtre de Vidy-Lausanne
15 et 16 avril 2024
Hippodrome de Douai / TANDEM Scène nationale
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