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Les Doubles vies de Sarah Bernhardt d’Isabelle Sprung et Pascale Liévyn, au Guichet Montparnasse

Sep 15, 2023 | Commentaires fermés sur Les Doubles vies de Sarah Bernhardt d’Isabelle Sprung et Pascale Liévyn, au Guichet Montparnasse

 

© Bernard Bourdeau

 

 

? article de Bertrand Pionce

 

Si vraiment la nostalgie de l’expérience avignonnaise vous prend, n’hésitez pas, en ces soirs de canicule insondable, à aller faire un tour du côté de Montparnasse, et de son Guichet (qui, en dépit de son nom, vend des places de théâtre, et non des billets de train – notez, on n’a pas demandé pour les billets, peut-être que, sur un malentendu, il y a des vieux Paris-Bordeaux à prendre). Comme dans les endroits les plus redoutables du festival Off, en effet, il faut attendre, dehors, que le spectacle précédent soit terminé, démonté (par les pauvres mains des comédiens et comédiennes qui y jouent, épuisés par leur représentation), pour pouvoir espérer prendre ses places, et enfin rentrer (sur le coup de 20 h 40, spectacle annoncé à 20 h 30, inutile d’arriver en avance, prévoyez chapeau et éventail, on se croirait rue des Teinturiers, mais il n’y a pas de Pac à l’eau dans le coin). La guichetière du dit Guichet est aimable et souriante, ce qui console un peu des démêlés avec l’ouvreur atrabilaire, l’équipe de production légitimement stressée, et la foule bigarrée, tripoteuse, suante et énervée qui, placement libre oblige, s’imagine que la vie dépend d’un strapontin bien placé – notez que la foule n’a pas tort : entrée presque en dernier, on n’a quasiment rien vu du spectacle d’autant que (si, si si) une dame a gardé son chapeau pendant la représentation (n’hésitez pas à aller lire les articles de Jean-Claude Yon sur les chapeaux au spectacle, au XIXe siècle dans les théâtres ; savez-vous que c’était un problème de police ? – il faut toujours se cultiver, et qu’au moins cet article serve à cela).

Où en étions-nous ? Ah, oui, il s’agissait de voir Les Doubles vies de Sarah Bernhardt d’Isabelle Sprung et Pascale Liévyn. De ce qu’on l’en a vu, l’adaptation de la biographie de la « divine » est intelligente et fine. L’actrice incarne son personnage hors normes avec ce qu’il faut de folie et de cabotinage. La robe et le fauteuil (enfin, on croit bien qu’il y avait un fauteuil, et elle avait sûrement une robe, ou alors on s’est vraiment trompée de salle ; il y en a d’autres dans le quartier qui proposent des spectacles d’un autre genre) sont très bien choisis. Le peu de moyens du Guichet impose des contraintes techniques avec lesquelles la comédienne joue très bien : petits noirs pour faire les transitions (et le public applaudit comme si c’était un numéro de cirque), lumières joliment dosées pour les ambiances diverses que le spectacle veut créer.

Le Guichet est en plein cœur d’un quartier animé, qui ce soir-là vibrait de l’ouverture de la Coupe du monde de rugby, et du premier match des Français. Un double spectacle se jouait donc, en audiovision pour le monde de l’ovalie, ce qui nous a permis de suivre les progrès du score en même temps que le raccourcissement de la jambe de la pauvre Sarah. (Notez, on se dit maintenant que les spectateurs et spectatrices qui jouaient des coudes pour rentrer en donnant des coups devaient sans doute « performer » une mêlée ; le chapeau dans la salle devait aussi nous faire rentrer dans le monde de Sarah- que c’était bien pensé !). Tout cela a donc été une heure de grande souffrance, pour tout le monde, certainement, et on ne peut que souligner que la comédienne, avec laquelle nous sommes en profonde empathie, a affronté cela avec un courage et un allant exceptionnels – « quand même », comme aurait dit Sarah. Elle a intégré au spectacle les beuglements rugbytatoires avec une componction et une adresse qui forcent l’admiration. D’une pièce sur Sarah, cela s’est transformé en courageux stand-up, le public, d’ailleurs, n’hésitant pas, parfois, à commenter et intervenir (c’est sans doute à cela qu’on voit qu’on vieillit ; on n’est plus dans le coup).

En un mot comme en mille, on ne peut que souhaiter à ce spectacle, et à sa comédienne, vraiment follement douée et pleine de ressources, de continuer sa vie autrement, une fois l’équipe de France éliminée, et surtout ailleurs que dans un garage avignonnais.

N.B. : la salle est climatisée.

 

© Bernard Bourdeau

 

Les Doubles vies de Sarah Bernhardt d’Isabelle Sprung et Pascale Liévyn

Mise en scène : Pascale Liévyn

Avec : Isabelle Sprung

 

Durée : 1 h

 

Du 8 septembre au 29 octobre, les vendredis et samedis à 20 h 30, le dimanche à 16 h 30

 

Le Guichet Montparnasse

15 Rue du Maine,

75014 Paris

 

Réservations : 01 43 27 88 61

 

www.guichetmontparnasse.com

 

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