À l'affiche, Agenda, Critiques, Evènements // Les apôtres aux cœurs brisés, texte et mise en scène de Céline Champinot, au Théâtre de la Bastille

Les apôtres aux cœurs brisés, texte et mise en scène de Céline Champinot, au Théâtre de la Bastille

Jan 17, 2022 | Commentaires fermés sur Les apôtres aux cœurs brisés, texte et mise en scène de Céline Champinot, au Théâtre de la Bastille

 

© Vincent Arbelet

f article de Denis Sanglard

Ils sont cinq sur le plateau, les quatre apôtres évangélistes, clones improbables des Beatles période Sergent Pepper, et Marthe, enceinte jusqu’aux yeux. Boys-band réfugié après la mort de Jésus, leur leader, dans un studio d’enregistrement, une caverne, un tombeau où poussent sur les murs des champignons hallucinogènes consommés visiblement sans modération, ils rejouent leur tube, écrivent leurs évangiles sur des post-it, bricolent une radio clandestine, diffusent des poèmes publicitaires, des messages spirituels. Rêvent de sortir de là, d’échapper à leurs ombres. Dehors, la République et le Ku-Klux-Klan gouvernent le monde et piratent leurs messages.

Céline Champinot signe et met en scène une œuvre complètement barrée. Trop sans doute, hélas. Platon, la Bible, les évangiles apocryphes, les mystiques chrétiens, Nietzsche, Philippe K. Dick, Beckett, la pop culture et le swinging London, sont les références affirmées d’un spectacle profus, verbeux et quelque peu abscons. Ce n’est pas l’énergie qui manque, une certaine folie et le talent des cinq interprètes furieusement engagées qui font défaut. Seulement, on ne sait pas trop où tout cela va sinon que cela aboutit à une impasse. De citations en références, c’est un vaste collage, un mille-feuille bien épais, pourtant habilement fictionné, où récits et dialogues cahotent plus qu’ils n’avancent, zigzaguent par associations, esprit d’escalier, parenthèses et copiés-collés. Ça déraille et se perd. Il n’y a lors plus ni queue ni tête dans cet étrange palimpseste. La dramaturgie et sa progression finissent par en souffrir, anéanties par ce principe narratif d’éparpillement volatile des idées et sujets qui les étouffent. Plus que l’action elle-même c’est la narration et son objet qui semble importer le plus autour desquels se cristallise le texte. Qui finit par nous échapper. Entre soliloques et dialogues on se perd très vite dans les méandres d’une pensée hermétique. La curiosité amorcée par un début fracassant et tonitruant s’émousse très vite. Tout s’étiole et se dilue au fur et à mesure, la fin elle-même, volontairement étirée, épuise malheureusement ce qui nous restait d’intérêt. Céline Champinot semble s’être emballée par ce jeu de piste littéraire, grisée sans doute par tant d’érudition donnée et mixée, oublieuse pour le coup du public, planté là, qui cherche en vain son chemin et surtout un sens dans ce dédale « ésotérico-pop ». Pourtant la mise en scène, appuyée par la scénographie, ne manque aucunement de qualité dans son registre. Si cela tient quand même, ce qui sauve l’ensemble, c’est par la ferme conviction des cinq comédiennes qui embrassent cette création avec une énergie sans faille. C’est peu dire qu’elles en font des tonnes, ne craignant pas le sur-jeu, de vrais clowns, et il est vrai que le début, qui les voit littéralement brailler le texte, nous inquiète. Un registre proche du burlesque, voire du happening, mais qui très vite heureusement se nuance. Cette conviction donc chevillée ferme à défendre cette partition singulière et verbeuse nous arrime de fait aux acteurs, apôtres aux cœurs brisés, qui, eux, suscitent notre attention évitant notre désintérêt total.

 

© Vincent Arbelet

Les apôtres aux cœurs brisés texte et mise en scène de Céline Champinot

Scénographie : Emilie Roy

Lumière : Claire Gondrexon

Dramaturgie et chorégraphie : Céline Cartillier

Musique : Antoine Girard, Céline Champinot

Création sonore : Benjamin Abitan, Raphaël Mouterde

Costumes : Les Céline

Confection costumes : Laurence Rossignol

Régie générale : Géraud Breton

 

Avec Maëva Husband, Elise Marie, Sabine Moindrot, Claire Rappin, Adrienne Wingling

 

Du 13 au 15 janvier 2022 à 21 h

Du 17 au 28 janvier 2022 à 20 h

Relâche les dimanches

 

Théâtre de la Bastille

76 rue de la Roquette

75011 Paris

Réservation 01 43 57 42 14

www.theatre-bastille.com

 

 

Be Sociable, Share!

comment closed