À l'affiche, Critiques // L’effort d’être spectateur, texte et mise en scène de Pierre Notte, Théâtre du Rond-Point

L’effort d’être spectateur, texte et mise en scène de Pierre Notte, Théâtre du Rond-Point

Nov 13, 2019 | Commentaires fermés sur L’effort d’être spectateur, texte et mise en scène de Pierre Notte, Théâtre du Rond-Point

 

© Eric Schoenzetter

 

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Le testament de Pierre Notte. Pierre Notte, homme de lettres, metteur en scène, compositeur, comédien et pédagogue (carte de visite impressionnante, c’est vrai), spectateur aussi, et avant tout de lui-même et de cette faune étrange qui en dépit parfois d’un désespoir coxygien et d’une concentration toute relative se rend dans les salles obscures, subventionnées ou pas, pour assister à ce pourquoi Pierre Notte par sa présence sur le plateau justifie. Le spectateur,  objet analysé et disséqué de cette conférence théâtrale jubilatoire et performance à risque tant le comportement de celui qui ici, présent dans la salle, est à la fois aléatoire, capricieux et prompt à l’exigence critique. Dort, tousse, râle et s’en fout parfois, s’enfuit aussi. Avec, et étrange paradoxe quand même, d’avoir payé sa place pour travailler. Pierre Notte donne de sa personne, en gant de boxe (par prévoyance ?) et parfois en talon haut sur un minuscule tabouret pour aider à notre concentration quelque fois volatile. Concentration mainte fois et volontairement mise à l’épreuve. Essayer donc de retenir ce qui se dit de fort intelligent quand l’acteur, ici le conférencier, montre ses fesses. Ou cite Deleuze en faisant du Hula-Hoop. Pas facile donc. Cependant plus que l’effort du spectateur c’est aussi de la relation entre la scène et la salle dont il est question. De l’art de comédien, du metteur en scène, du scénographe, de l’auteur même qui amène à cet effort demandé. Au risque consenti de l’échec. Une relation étrange basée sur le rien, le vide. « C’est à partir du manque qu’on donne à voir. » assène Marguerite Duras et que Pierre Notte reprend à bon compte. Autrement dit et prosaïquement, c’est bien l’absence d’une piscine qui fait la piscine. Expérience collective quelque peu hallucinatoire mais l’illusion est bien le propre du théâtre qui crée le plein à partir du vide. Comme Jean-Luc Lagarce disait à François Rancillac de ne jamais bétonner le sens, à nous donc de bétonner la piscine. Pour preuve, Pierre Notte est capable d’affirmer lui aussi qu’il neige sur le plateau des quelques confettis sortis de son chapeau. Et c’est bien de ça qu’il est aussi question, le domaine réservé de l’artiste, ce que le spectateur attend, l’invention, l’effet de surprise, le mystère et la catastrophe. Voire même l’impossible auquel l’artiste est tenu et que le spectateur attend comme un loup au coin du bois. « Jouer avec sa chatte » comme notre mystique Olivier Py l’exige de ses acteurs. Avec en plus la notion du danger, le mémento mori, qui fait que le spectateur, comme l’artiste, va se sentir vivant lui aussi, en communion soudain, enfin peut-on l’espérer. Il y a tout ça et plein d’autres choses intelligentes encore dans cette création indispensable, voire même obligatoire, pour tous les amoureux du théâtre, les spectateurs amateurs ou professionnels, les débutants et les vieux routards. Avec son débit de mitraillettes et son sourire de chat, ses yeux qui pétillent, Pierre Notte avec beaucoup de malice et de fantaisie cite les auteurs, file des anecdotes drolatiques certifiées, interroge finement son métier et le nôtre, spectateurs, sans qui rien ne serait vraiment. Avec chevillé au corps et dans l’écriture cette conviction certaine que le théâtre est et doit être un espace partagé, lieu de l’imprévu aussi (Lagarce toujours) et du ratage (Pierre Notte encore). Bref un espace de liberté et de résistance où l’effort d’être spectateur est aussi un acte politique contre la barbarie.

 

© Eric Schoenzetter

 

 

L’effort d’être spectateur texte, mise en scène et interprétation Pierre Notte

Regard extérieur Flore Lefebvre des Noëttes

Conception lumières Éric Schoenzetter

Musiques originales Pierre Notte

Arrangements Clément Walker-Viry

 

Du 6 novembre au 1er décembre 2019, 18 h 30

Dimanche 15 h 30, relâche les lundis

 

Théâtre du Rond-Point

2bis av. Franklin D. Roosevelt

75008 Paris

Réservations 01 44 95 98 21

www.theatredurondpoint.fr

 

Tournée

6 décembre 2019 L’Atelier du nez / Jurançon

10 décembre 2019 Théâtre de l’Olivier / Istres

17 janvier 2020 Théâtre du clin d’œil / Saint Jean De Bray

13 février 2020 Théâtre de la Madeleine/ Troyes

19 mars 2020 Maison de la Culture / Nevers

26 mars 2020 La Ferme des Jeux / Vaux le Pénil

31 mars 2020 Maison des arts du Léman / Thonon les Bains

2 au 9 avril 2020 Le Carré / Cesson-Sévigné

3 avril 2020 Théâtre de Vienne / Vienne

 

 

 

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