© Hiam Abbass
ƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette
Alors, comment dire… un spectacle tiré de L’Écriture ou la vie de Jorge Semprún, au Théâtre du Soleil, porté par une équipe franco-allemande de jeunes comédiens et comédiennes attire énormément. Résistant, Jorge Semprún fût arrêté en 1943 à Joigny, et déporté à Buchenwald. Dans cet ouvrage, publié en 1994, Semprún raconte à la fois sa déportation et les difficultés de « rapporter » ses souvenirs, comment réussir à transmettre, à construire cette autobiographie, témoigner à travers ses mots comment « vivre sa mort ». Comme il le disait : « J’étouffais dans l’air irrespirable de mes brouillons, chaque ligne écrite m’enfonçait la tête sous l’eau comme si j’étais à nouveau dans la baignoire de la villa de la Gestapo à Auxerre. Je me débattais pour survivre. J’échouais dans ma tentative de dire la mort pour la réduire au silence ; si j’avais poursuivi, c’est la mort qui m’aurait rendu muet. ». Pour ce livre, Jorge Semprún a obtenu le Prix Femina Vacaresco. L’an d’après, en 1995, il recevra aussi, pour récompenser tout son talent et ses valeurs humaines, le Prix littéraire des Droits de l’Homme.
L’Écriture ou la vie devant nous, avec ces jeunes voix, issues d’ici où là, contemporaines et souhaitant illustrer l’idée du souvenir, débute d’une façon presque fabuleuse, avec ces silhouettes, ces ombres apparaissant derrière de très fins rideaux, un au-delà devant nous. Transparence, présence/absence. Puis les personnages nous rejoignent et racontent. D’une façon non-stop, tout sort, aucun écho, les voix dégoulinent en vitesse, hachées, débordantes mais sans force véritable. Du coup, on ne comprend pas tout. Le sens s’évapore. Et vient la version allemande. On n’est pas forcément venu en se disant « aucun problème, je suis germanophone ». On a plutôt intérêt ici, sinon le temps décide d’être long, très long. La version française, dite d’une façon plate et parfois au sens glissant, nous avait déjà assommé, alors un bis dont on ne comprend pas tout, parce qu’on avait été courageux et qu’on n’avait pas imaginé un instant la possibilité d’une lourdeur s’attachant à ce texte…
L’Écriture ou la vie est une immense déception donc. Un tel auteur, cet ouvrage-là, une équipe bilingue nous demandant d’éviter l’amnésie, le choix, l’envie de découvrir ce spectacle paraissent évidents. Nous sommes face à une mise en scène de Jean-Baptiste Sastre et Hiam Abbass ayant lâché quelques bonnes idées, oui, mais, dans laquelle le petit pas en arrière ne semble pas avoir été fait. Cette équipe est nombreuse et deux ou trois seulement s’en tirent bien, laissent une bonne impression, touchent. Les autres peuvent séduire aussi par cet écho d’intensité qu’ils ont pu vouloir donner à ce texte. Mais l’ennui s’installe, surprend et seule une envie positive naît, rebondissante : relire ou lire cet ouvrage.
© Hiam Abbass
L’Écriture ou la vie, d’après L’Écriture ou la vie, de Jorge Semprún
Adaptation et mise en scène : Jean-Baptiste Sastre et Hiam Abbass
Traduction : Laura Haber
Lumières : Dominique Borrini
Dessins : Djaleel Labady
Violoniste : Bilal Alnemr
Coordination artistique : Gaye Siby
Avec des jeunes de France et d’Allemagne : Kilian Betoulle Pigeat, Cynderella Billard, Lukas Blaukovitsch, Jamel Boujamaoui, Rudy Cabrita, Madani Diarra, Rami El Younchi, Jovana Eleni Engel, Sindy Faroche, Amélie Fischer, Cindy Gonçalves, Mohamed Hamadaoui, Logan Harb, Nele Hauser, Chiara Hoffmann, Kevin Kasongo Mangaya, Djaleel Labady, Mickaëla Lagarde, Käthe Maj Selma Lange, Robin Lange, Paulina Ludwig, Loïc Mas, Vita Mühleisen, Lene Oderich, David Paraschiv, Rime Rakib, Sabin Saeed Ritter, Katharina Rückert, Marieke Scholles, Carla Stein, Maïmouna Tirera
Production déléguée :
Châteauvallon-Liberté, scène nationale
Coréalisation :
Théâtre du Soleil
Théâtre Gorki, Berlin
Avec le soutien de :
L’Office Franco-Allemand pour la Jeunesse (OFAJ)
Covéa
Ville de Clichy-sous-bois
Ministère de la culture
La Délégation Interministérielle de la Lutte contre le Racisme l’Antisémitisme et l’Homophobie (DILCRAH)
Institut Français
La fondation des Mémoriaux de Buchenwald et de Mittelbau-Dora
Centre EPIDE de Bourges-Osmoy
Mission Locale Bourges
Le Centre Français de Berlin
Le Collectif solidaire des chênes
Du 12 au 22 juin 2025
Durée du spectacle : 1h10
Théâtre du Soleil
Cartoucherie
75012 Paris
Réservations : 01 43 74 24 08
www.theatre-du-soleil.fr
Tournée :
Maison d’Izieu
2 & 3 novembre 2025
Châteauvallon-Liberté, scène nationale de Toulon
5 → 8 novembre 2025
Le Liberté, scène nationale – Toulon
5 → 8 novembre 2025
Maison de la Culture de Bourges
9 & 10 février 2026
Le Cratère – Scène nationale d’Ales
5 & 6 mai 2026
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