© Fabrice Robin
ƒƒƒ article de Denis Sanglard
Le duo Valérie Lesort-Christian Hecq émerveille et nous bluffe encore une fois. La magie opère sans façon et nous sommes petits et grands au même niveau, à égalité, les yeux ouverts grands comme ça, devant ce Gulliver si poétique et si drôle, d’une beauté et d’une finesse à vous couper le souffle. Du roman de Swift, ils ne gardent que le chapitre de l’île de Lilliput. Adaptation diablement contemporaine et classique tout à la fois, entre un Gulliver sorti tout droit du 18ème siècle et des marionnettes étonnante de modernité nées de l’imagination débridée de Valérie Lesort, Carole Allemand et Fabienne Touzi dit Terzi. Étranges créatures, tête humaine et corps de marionnettes, pas plus haute que ça, juste à la hauteur du mollet de Gulliver, d’une incroyable expressivité, au franc-parler, soupes-au-lait, enclins à la dispute, volontiers belliqueux et guerroyant contre leurs voisins de Blefuscu pour une histoire d’œuf qu’on ne doit surtout pas, sacrilège, gober par le gros bout. Ces petits bonhommes chantent aussi. Chansons pop où rock, s’est affirmer soudain des sentiments qui s’exacerbent, séduction, amour ou rage. C’est inattendu, c’est drôle, c’est tout simplement génial. Ah le strip-tease de la reine Cachaça, zizijeanmérisée pour l’occasion, avec éventails de plumes et tralala… ! Et ces petits cœurs comme autant de petites bulles, de phylactères quand les amants clandestins se déclarent leurs amours. Et même ça, image toute bête, de ces oiseaux se posant sur le pied de ce géant échoué, ça vous touche au cœur… Et puis la bataille navale aussi, attendu bien sûr, les boulets avalés comme des cachous. Sur ce plateau nu, cette boîte noire, c’est un monde enchanteur et coloré qui surgit, disparaît et se métamorphose au gré du récit. C’est fort drôle oui, formidablement inventif, mis en scène avec une belle fluidité, une grande simplicité, une belle intelligence comme toujours, interprétés avec talent et bonheur par les comédiens habilement rapetissés. Mais pour autant Valérie Lesort et Christian Hecq n’édulcorent en rien la satire et la philosophie du récit de Jonathan Swift sur l’arbitraire du pouvoir absolu, l’absurdité de la guerre, de la dénonciation de l’esclavage. Même les enfants, toujours si empathiques, s’y retrouvent, pour preuve ce haut cri du cœur d’un mioche offusqué après la condamnation à mort de Gulliver et cette protestation sonore échappée :« Ah non ! ». Et puis il y a cette fin, étonnante, dont nous ne dirons rien mais qui augure sans doute de nouvelles aventures. Du moins on l’espère et vivement. Valérie Lesort et Christian Hecq ont l’imaginative des adultes restés en enfance, qui du théâtre ont fait un monde à leur image, une parenthèse enchantée, et qui nous embarquent joyeusement avec eux à la recherche de notre propre part d’enfance enfouie. Et ça fait un bien fou !
© Fabrice Robin
Le voyage de Gulliver de Jonathan Swift
Adaptation de Valérie Lesort
Mise en scène de Christian Hecq et Valérie Lesort
Assistant à la mise en scène : Florimond Plantier
Avec : David Alexis, Valérie Kérizoré, Valérie Lesort/ Emmanuelle Bougerol, Thierry Lopez, Laurent Montel, Pauline Tricot, Nicolas Verdier, Eric Verdin/Renan Carteaux
Création et réalisations des marionnettes : Carole Allemand et Fabienne Tuzi dit Terzi
Assistées de Louise Digard et Alexandre Leseur-Lecocq
Scénographie : Audrey Vuong
Costumes : Vanessa Sannino
Lumières : Pascal Laajili
Musique : Mich Ochowiack et Dominique Bataille
Accessoires : Sophie Coeffic et Juliette Nozières
Collaboration artistique : Sami Adjali
Du 11 au 28 janvier 2022 à 20 h
16 h le dimanche
Relâche le lundi
Athénée-Théâtre Louis Jouvet
Square de l’opéra Louis Jouvet
7 rue Boudreau
75009 Paris
Réservations 01 53 05 19 19
Tournée
01/11 février Théâtre des Célestins, Lyon
18/19 février Equilibre et Nuithonie, Fribourg, Suisse
23/26 février Théâtre National de Nice
02/06 mars Théâtre de Caen
10/11 mars La Comète-Scène Nationale de Châlons-en-Champagne
15 mars Théâtre Edwige Feuillères, Vesoul
18 mars Ma Scène Nationale, Théâtre de Montbéliard
22/23 mars Le Tangram, Scène Nationale Evreux-Louviers
26/27 mars Théâtre de Saint-Maur
30/31 mars La Maison, Maison de la Culture de Nevers Agglomération
12/13 avril Théâtre de Sartrouville
19/20 avril La Ferme du Buisson, Scène Nationale
30 avril Le Carré Sainte-Maxime
3 mai La Colonne, Miramas
6/7 mai Théâtre de Grasse
12/13 mai Espace Jean Legendre, Compiègne
17/19 mai La Coursive, Scène Nationale de La Rochelle
24/25 mai Théâtre des Deux-Rives, Charenton-le-Pont
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