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Le voyage dans la lune, Féerie de Jacques Offenbach, mise en scène de Laurent Pelly, Direction musicale Alexandra Cravero, à L’Opéra-Comique

Jan 26, 2023 | Commentaires fermés sur Le voyage dans la lune, Féerie de Jacques Offenbach, mise en scène de Laurent Pelly, Direction musicale Alexandra Cravero, à L’Opéra-Comique

 

 

 © Stefan Brion

 

fff article de Denis Sanglard

 « Papa, papa je veux la lune ! » L’opéra-Comique remonte cette création insensée de Jacques Offenbach crée en 1875, et nous ne nous en plaindrons pas, bien au contraire. Adaptée pour la Maîtrise Populaire de l’Opéra-Comique, mise en scène par Laurent Pelly, revue par Agathe Mélinand pour le livret, et dirigée dans la fosse par Alexandra Cravero, il souffle sur le plateau de l’Opéra-Comique un joli vent de folie, d’extravagance et de jeunesse qui vous décoiffe et vous ébahit. Le Voyage dans la lune, librement adapté et sans l’autorisation de son auteur, du roman de Jules Verne De la terre à la lune, est une joyeuse et poétique satire, opéra-bouffe et féerie, que Laurent Pelly et Alexandra Cravero ajustent avec bonheur et simplicité pour les élèves de la Maitrise de l’Opéra-Comique. Une relecture hautement pétillante mais aussi subtilement politique. Le roi Vlan est un vieux despote qui règne sur un peuple d’enfant, de jeunes femmes et hommes, clones en costumes anthracite de rigueur, et son royaume est un champs coloré de déchets non recyclés qu’on ignore totalement. La lune, un espace immaculé et rond où les pâles sélénites, costumes blancs en apesanteurs, ignorent tout de l’amour. Mais il suffira d’une pomme, de la croquer pour tout bouleverser.

Résumons ou tentons de. Sur terre le roi Vlan attend son fils, le prince Caprice, pour lui céder sa couronne. Mais le prince revenant d’un voyage autour du monde, n’en a que faire. Ce qu’il veut désormais, c’est aller sur la lune. Le savant Microscope est chargé de mettre en œuvre ce projet. C’est à la Forge que se trouve la solution, un canon chargé de propulser le prince Caprice mais aussi le roi et Microscope, contraints de l’accompagner. Sur la lune, les sélénites ne s’attendaient pas à de tels visiteurs. Pour eux, il n’y avait pas d’atmosphère sur la terre… Le roi Cosmos veut arrêter ces importuns mais la princesse Fantasia et sa mère la reine Popote obtiennent leur grâce. Evidemment le prince Caprice tombe amoureux de Fantasia et Microscope de la reine Popote. Seulement sur la Lune, l’amour n’existe pas. Les enfants sont livrés sur commande, les femmes sont ménagères ou œuvres d’art décorant la maison de leur présence. Quand elles ne sont pas vendus sur le marché aux femmes. Mais croquer une pomme a des effets insoupçonnés. Fantasia tombe amoureuse de Caprice. Et comme nul sélénite ne sait ce qu’est l’amour, Fantasia est donc malade aux yeux de la science. Mais une distillation de pomme inventée par Microscope fait succomber la reine Popote aux charmes de Microscope qui n’en peut mais. Survient brutalement l’hiver, la population est menacée de mourir de froid. Le roi Cosmos propose à tous de se réfugier dans un volcan. Mais une éruption les renvoie en surface et fait fondre le givre. Un clair de terre se lève.

C’est totalement extravagant, mais c’est un conte fantastique, alors tout passe crème. D’autant que la mise en scène de Laurent Pelly, d’une tendre et franche loufoquerie, d’une poésie de la plus belle eau, n’en rajoute jamais dans la démesure et les moyens dramaturgiques. C’est d’une grande épure, une ligne claire, qui se refuse à la surenchère mais ouvre grand, très grand l’imaginaire. Les tableaux enchantent par leur beauté toute simple, nous émerveille comme ce lever de terre qui termine cette fantaisie de haute-volée. Tout concoure à l’ébahissement, décors, costumes, lumières… Surtout, il dirige les solistes et les chœurs, la Maîtrise dans son ensemble, avec une rigueur horlogère mais en s’appuyant avec justesse sur leur jeunesse dont il fait un superbe atout. C’est d’une fraîcheur survitaminée et d’une spontanéité qui enchante de bout en bout. Ils impulsent une sacrée énergie à l’ensemble. Ces enfants et jeunes adultes jouent à être adultes sans cesser d’être ce qu’ils sont, des enfants et de jeunes adultes. Et s’appropriant pleinement cette œuvre sans réserve aucune, avec le naturel propre à leur âge, et une maîtrise époustouflante, il lui donne un sacré coup de fouet, lui apportant une modernité insoupçonné. Ce monde-là entre despotisme, technocratie, écologie, new-âge et la découverte des premiers émois amoureux, n’est que le reflet du leur. Aussi excellents chanteurs, comédiens que danseurs, on reconnait la patte de Laurent Pelly dans la circulation à nulle autre pareil des ensembles et les ballets réglés au cordeau et toujours signifiants, ils portent haut cette féerie et son humour décalé et embarquent très vite le public avec eux. Alexandra Cravero à la baguette véloce dirige l’orchestre des Frivolités Parisiennes avec doigté et fait résonner toutes les subtilités et nuances de cette partition bien plus complexe qu’elle n’y parait sans jamais que l’orchestre n’écrase les chanteurs. Chanteurs au diapason d’une oeuvre loufoque qu’ils défendent avec un talent fou. Franck Leguérinel, le seul adulte dans cette affaire, est un roi Vlan idoine qui, visiblement, s’amuse de cette aventure. Et qu’importe si le jeune ténor Arthur Roussel (Le prince Caprice), 22 ans à peine, accuse certaine faiblesse dans la projection de sa voix, il donne à son personnage un vrai caractère. Mais la révélation de cette soirée est sans conteste la toute jeune soprano colorature Ludmilla Bouakkaz (La princesse Fantasia). Aussi fine comédienne que chanteuse assurée, dans l’ariette « je suis nerveuse » elle fait montre d’un sacré tempérament où son talent éclate avec une évidence tranchante. Elle est fort drôle, certes, mais d’une précision redoutable et trille dans les hauteurs sans effort apparent. Ce voyage là est pour elle le début d’un autre dans une carrière qu’on lui souhaite riche et longue. Allez, embarquement immédiat, boum !

 

© Stefan Brion

 

Le voyage dans la lune de Jacques Offenbach

Livret d’Albert Vanloo, Eugène Leterrier et Arnold Mortier

Direction musicale : Alexandra Cravero

Adaptation du livret et nouvelle version des dialogues : Agathe Mélinand

Décors : Barbara de Limburg

Costumes : Laurent Pelly

Lumières : Joël Adam

Cheffe de chant : Katia Weimann

Reprise de la mise en scène : Héloïse Sérazin

Assistant décors : Cléo Laigret

Assistant costumes : Thomas Le Gouès

Avec Franck Leguérinel, Arthur Roussel, Ludmilla Bouakkaz, Mateo Vincent-Denoble, Enzo Bishop*, Violette Clapeyron, Rachel Masclet*, Micha Calvez-Richer*, Salomé Baslé*, Justine Chauzy Le Joly, Judith Gasnier*, Airelle Groleau*, Maxence Hermann*

Solistes* et chœur : Maîtrise Populaire de l’Opéra-Comique

Orchestre : Les frivolités Parisiennes

 

Les 24, 28, 29, 30 janvier

1er, 3 février

Gala du 25 janvier 2023

 

Opéra-Comique

Place Boieldieu

75002 Paris

 

Réservations : 01 70 23 01 31

www.opera-comique.com

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