© Fabienne Rappeneau
ƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia
Ce n’est pas la première fois qu’Eric-Emmanuel Schmitt est très présent à Avignon. Et il fait généralement salle comble. Cette édition du Off ne fait pas exception avec quatre pièces à son nom (Le Visiteur au Théâtre Actuel ; Madame Pylinska et le secret de Chopin au Théâtre du Chêne noir ; Variations énigmatiques au Théâtre des Corps Saints ; Le Chien à l’Espace roseau teinturiers) dont une où il officie en personne, le mettant seul en scène. Tous ses admirateurs sont présents, certain(e)s ayant même un de ses livres en poche, espérant peut-être le faire dédicacer à la sortie de Mme Pylinska qui raconte sa jeunesse et sa rencontre avec la saugrenue professeure de piano russe à laquelle il a donné le nom de sa pièce.
Le Visiteur d’Eric-Emmanuel Schmitt se veut plus spirituel. Dans l’unité de lieu du bureau de Freud à Vienne, représenté comme un lieu raffiné (aux tentures bleu nuit ou bleu canard selon l’éclairage, bibliothèques pas si fournies et table d’écriture) et l’unité de temps d’un soir d’avril 1938, alors que la fille de Freud, Anna, tente de convaincre son père de signer un document pour pouvoir quitter l’Autriche et rejoindre Londres, cette dernière est emmenée par la Gestapo à la suite d’une altercation avec un nazi qui ouvre une nuit d’angoisse pour le Docteur Freud. C’est au cours de cette nuit qu’il reçoit un visiteur inconnu, résultat d’un songe ou d’une révélation spirituelle.
Le dialogue entre les deux hommes est fait de réparties qui font rire le public à rythme régulier et assuré (« Si je n’avais pas été juif j’aurais voulu le devenir » ; « la vérité est une maîtresse bien exigeante »…). La mise en scène est convenue, celle d’un théâtre bourgeois classique sans grande surprise, à l’exception d’un petit tour de magie et d’une jolie image revenant deux fois (feuilles virevoltant dans la pièce).
Katia Ghanty incarne une Anne énergique et qui provoque l’empathie ; Sam Karmann est un Freud pas toujours convaincant (oubliant par exemple de temps en temps la démarche claudicante et difficile qui est surjouée au début, voire même trottinant sans sa canne dans d’autres passages) ; Maxime de Toledo campe un nazi un peu caricatural ; Franck Desmedt interprète le visiteur nocturne attendu, ironique, enjoué, poussant gentiment Freud dans ses retranchements. Reflet de son inconscient ou pure révélation divine ? La réponse est laissée suffisamment ouverte pour que chaque spectateur suive ou non Eric-Emmanuel Schmitt vers la seconde option. Le texte écrit en 1993 reprend les thèmes chers à l’auteur : le courage, l’amour de la vie, la foi.
Cette approche théâtrale a au moins le mérite de populariser les interrogations spirituelles de Freud qui ne sont pas incompatibles avec ses travaux scientifiques sur la psychanalyse, Freud s’étant toujours intéressé à la religion (depuis Totem et Tabou en 1912 jusqu’à Moïse et la religion monothéiste qu’il fit justement paraître en 1938). Du feel good theatre. Pourquoi pas…
Le Visiteur de Eric-Emmanuel Schmitt
Avec : Sam Karmann, Franck Desmedt, Katia Ghanty, Maxime de Toledo
Mise en scène : Johanna Boyé
Décors : Camille Duchemin
Costumes : Colombe Lauriot dit Prévost
Musique : Mehdi Bourayou
Lumières : Cyril Manetta
Conseil magie : Alexandre Denis
Assistante mise en scène : Caroline Stefanucci
Durée 1 h 40
Jusqu’au 31 juillet à 21 h 05
Relâche le 27 juillet
Festival d’Avignon – Off
Théâtre Actuel
80 rue Guillaume Puy
84 000 Avignon
www.theatre-actuel-avignon.com
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