À l'affiche, Critiques // « Le Syndrome de Cassandre » de et avec Yann Frisch, coécriture de Raphaël Navarro

« Le Syndrome de Cassandre » de et avec Yann Frisch, coécriture de Raphaël Navarro

Mar 18, 2016 | Commentaires fermés sur « Le Syndrome de Cassandre » de et avec Yann Frisch, coécriture de Raphaël Navarro

ƒƒƒ article de Victoria Fourel

Le-syndrome-de-Cassandre-1024x471© Sylvain Frappat

Je n’y connais rien à la magie. J’ai même une tendance à trouver ça ringard, vu et revu, peu propice à la narration. Et c’est là qu’est apparu Yann Frisch. Sur un plateau feutré, sans issue, dans un décor grisâtre à la fois et neutre et en même temps très riche, un clown vit sa propre réalité. On ne sait qui il est, tout ce qui semble évident, c’est qu’il est observé par un public dont il ne peut pas se défaire, et qu’il n’a pas choisi de faire le pitre.

Ce qu’il faut souligner d’abord, c’est le grand écart entre la technique parfaite qui fait rire le public aux éclats, faisant pousser des  »oh ! » et des  »ah ! » à chaque glissade, à chaque chute, et le recul que prend ce clown par rapport à son art. Son nez de clown est gris, il nous imite quand on rit bêtement, il teste notre imagination. Il nous regarde droit dans les yeux et nous dit  »qu’est-ce que vous voulez que je fasse ? Allez, dites !  ». Il se fait soudain bête de foire, et nous, éternels gamins au cirque, on demande une chanson, une blague, un tour de magie. C’est magique, donc, épatant, rodé. On est dans un vrai spectacle d’illusion, dans des tours délicats, en même temps qu’il se dégage de ce pantin condamné à toujours être marrant, même quand il faillit, un gouffre tragique.

Cassandre a reçu la malédiction de n’être jamais crue, aussi vraie que puisse être sa parole. Ce clown, entre ses quatre murs, voudrait que l’on parte, voudrait qu’on le regarde, voudrait qu’on le regarde d’abord et qu’on parte ensuite. C’est son syndrome de Cassandre. C’est le grand malaise du rigolo, et du spectacle en général. Pourquoi vient-on, assis les uns à côté des autres, dans la même direction ? Pour quelques gags ? Le spectaclenous pose la question, avec un rythme infernal et des gags à mourir de rire (oui, parce qu’on est là pour ça). Jonglant avec l’humour noir et avec une parole réaliste, presque de l’ordre de l’intello, Yann Frisch nous emmène dans son espace, qu’il connaît par cœur, et nous fait partager son quotidien absurde de clown à temps plein. Non seulement c’est drôle et technique, oui mais ce spectacle a le sens du timing, des dosages, du malaise calculé, ce spectacle ne laisse rien au hasard et pour un peu que comme moi, on n’y connaisse rien à la magie, on se laisse aller de surprise en surprise.

Sur un plateau, la magie est absolument capitale. Qu’elle réside dans une réplique, un jeu de lumière, une invention ou un déplacement, on ne peut abandonner le plateau à la vraie vie. Il faut aller ailleurs, s’amuser des gens en face, créer tout un monde, faire perdre pied, épater. Le Syndrome de Cassandre est un spectacle fou, et vraiment, l’une des plus belles et drôles choses qu’on puisse voir.

Le Syndrome de Cassandre
Texte Yann Frisch, Raphaël Navarro
Mise en scène de Yann Frisch
Avec Yann Frisch

Du 16 mars au 1 avril 2016
Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 15h30.

Théâtre du Rond-Point
2bis avenue Franklin D. Roosevelt 75008 Paris
Métro Franklin D. Roosevelt (ligne 1 et 9), Chalmps-Elysées Clémenceau (lignes 1 et 13)
Réservation 01 44 95 98 21
www.theatredurondpoint.com

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