À l'affiche, Critiques // « Le Sacre du printemps », de Roméo Castellucci, Grande Halle de la Villette / Festival d’Automne à Paris

« Le Sacre du printemps », de Roméo Castellucci, Grande Halle de la Villette / Festival d’Automne à Paris

Déc 12, 2014 | Commentaires fermés sur « Le Sacre du printemps », de Roméo Castellucci, Grande Halle de la Villette / Festival d’Automne à Paris

f article de Denis Sanglard

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« Poussière tu es, poussière tu redeviendras ». Roméo Castellucci propose une version radicale du Sacre du Printemps de Stravinsky. Une énorme machinerie, 6 tonnes de poudre d’os. Et nul danseur. Un ballet de poussière, un ballet mécanique où la machinerie à vue charrie, délivre la cendre qui tourbillonne au rythme de ce Sacre, rituel païen de fertilisation. Nul danseur, pas de sacrifice. Rien que cette cendre claire éclairée superbement et qui ne cesse d’être projetée, propulsée, expulsée. C’est une tempête continue. C’est un ballet mécanique, technologique étourdissant. Visuellement l’effet est impressionnant. Troublant. C’est un choc. Cependant cette mécanisation, admirablement organisée, plastiquement très belle, accuse une certaine froideur. Et le mouvement par trop répétitif s’épuise. Passé le premier moment, les premières minutes, passé le choc initial on finit par s’ennuyer. Pas plus de différence qu’avec la symphonie des jets d’eau du cinéma le Grand Rex ou de certaines séquences de Fantasia de Walt Disney. Seul change le propos, forcément plus polémique et engagé. La mécanisation à outrance de l’agriculture qui voit le sacrifice des paysans, leur disparition. La terre fertilisée devient stérile. A terme c’est l’homme qui disparaît. Roméo Castellucci propose une version abstraite, voir désacralisée, du Sacre où pulvérisant le danseur, devenu poussière, il ne reste que la chorégraphie. Une chorégraphie de cendres. De mort et de vie. Cette cendre qui résume à elle seule le Sacrifice, son allégorie en somme. Cette interprétation abstraite et radicale ouvre de fait un champ interprétatif très large. La proposition de Roméo Castellucci est cependant troublante qui –indirectement – acte, utopie ou intuition, l’industrialisation de la création. Seulement la question se pose : est-ce du théâtre, comme il semble l’affirmer? Peut-on faire du théâtre sans l’acteur ? Elle me manquait à moi cette part d’humanité qui révèle la fragilité de tout acte créatif, lui donne cette proximité indicible et nécessaire. Roméo Castellucci en sacrifiant l’acteur, en l’atomisant, a perdu-là ce qui faisait la beauté de sa précédente création « Go Down, Moses ». Mais en y réfléchissant bien, « le Sacre du printemps » n’en est que l’aboutissement logique. En cela, et malgré mes réserves, l’œuvre de Roméo Castellucci reste cohérente.

Le Sacre du printemps
Concept et mise en scène, Roméo Castellucci
Son, Scott Gibbons
Musique, Igor Stravinsky – Enregistrement MusicAeterna, sous la direction musicale de Teodor Currentzis
Collaboration artistique, Silvia Costa
Programmation ordinateur, Hubert Machnik
Assistant scénographie, Maroussia Vaes
Assistant lumière, Marco Giusti

Parc de la Villette
Grande Halle
211 av. Jean Jaurès
75019 Paris
Du 9 au 14 décembre 2014, 13h et 20h
Dimanche 13h et 19h
Réservations : 01 40 03 75 75
www.villette.com

Festival d’Automne à Paris
Réservations : 01 53 45 17 17
www.festival-automne.com

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