article de Suzanne TEIBI

Le prince pour les nuls

Myriam, Rémi et Max se sont inscrits à un stage de formation sur le pouvoir. Ses fondements : Le prince. Le texte de Machiavel est riche et troublant, toujours d’actualité, dans la mesure où toute société – démocratique ou non – suppose des jeux de pouvoir. Mais comment porter un traité politique au théâtre ? Laurent Gutmann propose une comédie inspirée de la génération télé-réalité. Les trois jeunes gens seront formés par Nicolas, un homme qui se prend pour Machiavel en personne, et son assistante Karine, qui tente de s’affirmer et de tenir bon, face au comportement autoritaire et misogyne de son patron.

© Pierre Grosbois

Une heure trente durant, les trois jeunes gens vont passer une succession d’épreuves visant à leur apprendre à gagner le pouvoir et à le conserver. Des mises en situation loufoques au cours desquelles chacun doit être plus fin et plus rusé que les autres pour être prince. Mais voilà : aucun des trois n’est très rusé, ni préparé à ce genre d’exercices. Aucun des trois ne semble savoir pourquoi il s’est inscrit à ce stage, ne semble avoir envie de prendre le pouvoir, viscéralement. Alors Nicolas ponctue les échecs et les ratés de citations du texte de Machiavel et illustre les séquences pratiques par leur pendant théorique. Les participants, d’abord maladroits, vont rapidement se laisser prendre au jeu, multiplier les stratégies et les coups bas pour évincer les adversaires, prendre la couronne, et veiller à ne pas la perdre.

La scénographie est sobre et efficace : une salle de formation dont les murs et le mobilier en matériaux bon marché nous rappellent que l’on est dans l’ère de l’éphémère et du carton pâte.

Ici, on veut nous faire entendre le texte. Mais le texte est si limpide qu’il se suffirait presque à lui-même. Les multiples jeux de rôle peinent à en apporter une nouvelle lecture, ou à enrichir ses potentialités.

Le texte pourrait évidemment raisonner avec l’Histoire. Il pourrait nous donner à réfléchir la question du politique. Le spectacle touche du doigt cette dimension sans jamais l’explorer franchement. Pourtant, ce n’est pas faute de venir chercher le spectateur, en le faisant participer à sa manière – monter sur le plateau, scander des slogans de manifestations -, être sollicité pour payer l’impôt. On joue avec la frontière représentation/réel. Mais l’on croît deviner la présence de complices dans le public, qui annulent alors la possibilité de jouer sincèrement le jeu du réel. Si le public est le peuple sur lequel le prince doit régner, pourquoi ne pas embrasser complètement le principe du réel, au risque de ne pas obtenir les réactions attendues ?

Le prince (tous les hommes sont méchants)
D’après Machiavel
Mise en scène et scénographie Laurent Gutmann
Lumières Gilles Gentner
Costumes Axel Aust
Maquillages et perruques Catherine Saint Sever
Son Lucas Lelièvre
Répétiteur chants Vanasay Khamphommala
Régie générale André Neri
Avec Thomas Blanchard, Cyril Dubreuil, Maud Le Grévellec, Shady Nafar, Pitt Simon

Du 23 septembre au 9 octobre 2014
Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h

Théâtre Paris-Villette
211 avenue Jean Jaurès – 75019 Paris
Métro Porte de Pantin

Réservations 01 40 03 72 23
www.theatre-paris-villette.fr
Tournée 2014-2015
Du 14 au 16 octobre au granit Scène nationale de Belfort / le 4 novembre au Théâtre du Vésinet / du 12 au 14 novembre au Théâtre Jean Vilar de Suresnes / du 18 au 29 novembre au Quartz Scène nationale de Brest / le 2 mars au Théâtre Jacques Prévert d’Aulnay-sous-Bois / les 5 et 6 mars au Parvis Scène nationale Tarbes Pyrénées / du 10 au 19 mars au Centre Dramatique Régional de Tours / le 23 mars au Théâtre des 4 saisons de Gradignan / les 26 et 27 mars au Théâtre Scène nationale de Saint-Nazaire / le 31 mars au Centre des bords de Marne du Perreux-sur-Marne / le 7 avril au Théâtre Brétigny dedans dehors Scène conventionnée de Brétigny-sur-Orge / les 9 et 10 avril au Théâtre de Sartrouville Centre dramatique national / les 14 et 15 avril à la Scène nationale d’Angoulême / le 22 avril au Palais des Congrès de Saint-Raphaël / les 27 et 28 avril à l’Estive Scène nationale de Foix et de l’Ariège / le 5 mai à l’Onyx de Saint-Herblain / le 12 mai au Théâtre de l’Olivier d’Istres

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