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Le presbytère n’a rien perdu son charme, ni le jardin de son éclat, chorégraphie de Maurice Béjart, au Palais des Sports / Dôme de Paris

Nov 03, 2019 | Commentaires fermés sur Le presbytère n’a rien perdu son charme, ni le jardin de son éclat, chorégraphie de Maurice Béjart, au Palais des Sports / Dôme de Paris

 © Gregory Batardon

 

f article de Denis Sanglard

Freddie Mercury, Mozard, Béjart. Trente ans après sa création le Béjart Ballet de Lausanne remonte Le Presbytère n’a rien perdu de son charme ni le jardin de son éclat. Hommage au leader de Queen, groupe rock glam emblématique des années 70/80, à Jorge Donn, danseur de la compagnie. Fauchés par le SIDA. Pièce chorégraphique de ces années-là, où l’épidémie faisait ravage, témoin, écho donc d’une période noire et tragique. Qu’en reste t-il aujourd’hui ? Où la maladie devenue chronique, terme imbécile s’il en est puisqu’elle tue toujours, en silence, où les thérapies sans rien éradiquer ont permis de survivre, certes, mais où les contaminations ont toujours lieu par ignorance et par inertie politique, au regard d’une nouvelle génération qui n’a justement, et heureusement, pas connu cette tragédie… Que reste t-il donc de cette urgence à créer quand les facteurs qui l’ont enclenchée et nourrie ont disparu ? Que nos passions, nos combats se sont émoussés ? Le Presbytère, c’est une évidence qu’on ne peut nier, a bénéficié et son succès emblématique, il y a trente ans, ne le démentait pas, des circonstances dans lesquelles cette pièce a été montée. Mais aujourd’hui ? Si l’on retire la musique de Queen, désormais au panthéon du Rock, Mozart, pour le pathos, et le sujet, le SIDA si loin des préoccupations de nos contemporains, que reste t-il alors de la danse par rapport à son objet ? C’est bien là que le bât blesse. Dépouillée de tout ça, des circonstances, la danse mise à nue  porte l’empreinte de Béjart assurément, d’un néo classicisme formel et quelque peu pompeux, traversé de joyeuses fulgurance, et s’épuisant très vite ici, traversée d’attitudes, de postures volontairement rock, celles de Freddie Mercury tant reconnaissables, mais l’émotion attendue, celle-là même, vibrante,  que nous avions eue et reçue il y a trente ans, est absente et comme évidée de son motif. C’est un ballet somme toute classique et comme déconnecté de la réalité présente comme elle l’était sans doute à sa création mais qui faisait illusion par le lien direct qui la tenait fermement à son époque, au sujet abordé, à la puissance iconique de Queen, et l’émotion qui en découlait de fait. Avouons-le je pleurais il y a trente ans devant ces linceuls blancs qui ouvrent et ferment cet ouvrage. Mais là, les yeux sont demeurés secs. Comme dessillés par le recul sur une époque chaotique et terrible.  Il y a trente ans il y avait méprise. Ce n’est pas la danse qui portait cette foutue émotion qui vous broyait mais son sujet intrinsèque. Non le mouvement. Ce qui se danse là, aujourd’hui, apparaît comme vidée de toute substance, portée uniquement par les partitions de Queen, la voix si particulière de Freddie Mercury. C’est une danse fortement illustrative et narrative, moins en rupture que les autres ballets emblématique de Béjart, fortement ancrée dans le classicisme. Morcelée comme autant de clips, à chaque partition son sujet, sans réel lien entre eux, symptomatique là aussi de l’époque de sa création. Et le choix, Béjart fut un des premiers à emmener la danse hors des théâtres classiques, d’une salle comme le Palais des Sports, s’avère quelque peu désastreux. Ce qui dans une salle moyenne aurait sans doute permis, comme à Chaillot en 1997, de créer un lien véritable, on en revient au sujet qui le nécessitait, ne fait que diluer le tout, quelque chose se perd par la distance. On finit par privilégier les ensembles plus visibles aux solis, ces derniers, malgré la personnalité affirmée des danseurs, une des qualités de Béjart dans ces choix de solistes, perdant de la puissance par cette distance qui vous tue fissa la danse, toujours fragile quand prise en étau par le gigantisme d’un lieu. Point n’est ici question de nostalgie, d’un regret, mais il est toujours bon de revoir certaines œuvres qui ne tiennent au final que par le contexte de leur création. Ce n’est pas que Le Presbytère soit daté, mais son manque d’audace formelle chorégraphique, au risque de l’incompréhension malgré le métissage entre le rock de Queen, la musique de Mozart et son sujet brûlant passé aujourd’hui à la trappe dans l’indifférence générale au regret de certains acteurs qui luttent encore contre cette pandémie, lui retire une certaine universalité. Ce qui aurait pu être, en le décontextualisant, une œuvre fortement politique et donc universelle se métamorphose en un ballet sans aspérité, voire consensuel. Hélas. C’est sans doute la limite ici de Béjart dans cette volonté de faire œuvre populaire, il y a méprise. Et ce pourquoi le public s’enflamme ne porte plus sur le fond, les années SIDA, ce que nous aurions souhaité et première volonté du chorégraphe, mais se reporte sur la forme,  forme très classique et sans audace au regard du sujet, devenu aujourd’hui anecdotique et qu’elle n’épouse pas, laquelle l’emporte malgré sa vacuité.

 

Le presbytère n’a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat, chorégraphie de Maurice Béjart

Béjart Ballet Lausanne

Musique Queen, Mozart

Costumes Gianni Versace

Création lumières Clément Cayrol

Réalisation lumière Dominique Roman

Montage vidéo Germaine Cohen

 

Du 31 octobre au 3 novembre 2019

20 h 30, dimanche 15 h 30

 

Palais des Sport / Dôme de Paris

34 boulevard Victor

75015 Paris

Réservations 01 48 28 40 10

 

 

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