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Le Pont du Nord, texte et mise en scène de Marie Fortuit au théâtre L’Échangeur, à Bagnolet

Oct 23, 2019 | Commentaires fermés sur Le Pont du Nord, texte et mise en scène de Marie Fortuit au théâtre L’Échangeur, à Bagnolet

 

© Élisabeth Carecchio

 

 

 

article de Nicolas Thevenot

Ainsi chacun de nous décrit-il, autour de la vérité, sa parabole. Il n’y a pas deux orbites semblables écrit Jacques Rancière dans Le maître ignorant. Il n’y a probablement pas deux manières identiques de recevoir un spectacle vivant : il y a sans doute autant d’orbites que de spectateurs. On peut alors conclure à un certain relativisme esthétique lié à la subjectivité de chacun d’entre eux ou au contraire à la nécessité pour un spectacle de construire une esthétique qui puisse faire entrer en résonance toutes ces orbites.

Celle de Marie Fortuit n’a malheureusement pas croisé la nôtre lors de la présentation à L’Échangeur de son premier spectacle Le Pont du Nord. La rencontre n’a pas eu lieu, et cela interroge toujours lorsque l’on sort déçu d’une représentation. À quoi cela peut-il tenir ?

Marie Fortuit, comédienne récemment vue chez Rebecca Chaillon, assistante de Célie Pauthe et de Séverine Chavrier, raconte dans la feuille de salle la genèse de son texte : une écriture qui surgit de la ville, de ses flux, de ses immobilités… de soi-même… une écriture qui finit aussi par se remémorer les paroles d’une comptine ancienne : Le Pont du Nord. Il sera question comme dans la chanson d’une jeune fille et de son frère, d’une soirée où la jeune fille est partie danser. Comme dans la chanson une soirée qui s’est mal terminée. Cet entame avait tout pour nous intéresser, surtout cette greffe sur une chanson populaire. Tout un imaginaire à portée d’un chant.

L’écriture de Marie Fortuit fonctionne souvent en liste de mots, se déclinant par rebond, par jeux de mots, jeux de sonorités, qui semblent beaucoup décider du cours de l’histoire. Cette langue opportune (au sens où elle profiterait plus d’une opportunité sonore que d’une volonté de dire spécifiquement la chose) chevauche une histoire décousue, assez minimaliste, jouant souvent de l’étrangeté. Cette parole nous a vite distancé et lassé, comme lorsque l’on observe des gens derrière une vitre, et finalement laissé au bord du chemin même s’il faut reconnaître aux partenaires de Marie Fortuit un travail d’enracinement du texte dans la réalité du plateau et de leur corps qui fait énormément de bien. Mais cela ne fut pas suffisant pour que le spectacle trouve à nos yeux sa raison d’être théâtrale.

Ce qui a été dit ici de cette écriture pourrait évoquer Valère Novarina sauf que les mots et leurs jeux chez ce dramaturge, par une accumulation monstrueuse et une énergie vertigineuse, deviennent matière et puissant drame de la parole. Ici l’on sent au contraire une rétention, quelque chose d’apprêté dans le texte, mais également dans la mise en scène, qui finit par produire un maniérisme empreint de lyrisme.

Tout le contraire finalement d’une chanson de variétés, comme celles qui sont interprétées dans Le Pont du Nord à deux reprises. Rares et justes moments où les mots peuvent se chanter simplement, sans état d’âme mais pleins d’échos.

 

 

Le Pont du Nord, texte et mise en scène Marie Fortuit

Collaboration à la dramaturgie Clémence Bordier

Scénographie Louise Sari

Collaboration à la mise en scène Catherine Umbdenstock

Vidéo François Weber

Musique et son Aline Loustalot

Lumière Jacques-Benoît Dardant

Avec Mounira Barbouch, Antoine Formica, Marie Fortuit, Damien Groleau

 

Durée 1 h 30

Du 15 au 23 octobre 2019

 

 

L’Échangeur

59, avenue du Général de Gaulle

93170 Bagnolet

 

Réservation +33 01.43.62.71.20

www.lechangeur.org

 

 

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