© Hary Govindin
ƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette
Le penseur se dissimule dans les hauteurs souveraines du Lucernaire, au « Le Paradis », bien sûr, pour ceux qui réussissent à gravir tous ces escaliers joyeusement. Le public s’installe dans cette charmante petite salle sous les toits, accueillante et lui offrant l’idée d’un atelier de sculpteur, et pas des moindres puisqu’il s’agit de Rodin. L’atelier de Rodin s’étant en fait très largement installé dans l’hôtel Biron, comme nous pouvons encore le voir aujourd’hui, mais l’idée d’un atelier, des recherches qui s’y entremêlent, est à donner avant toute chose.
Nous sommes face au Penseur, au buste de Dalou peut-être, à l’image superbe de cette porte de l’Enfer, etc., accompagnés de grands modèles antiques dont les lignes, les courbes, les volumes savent toujours guider et soutenir. Tout est tout beau, tout est propre et Jean-Baptiste Seckler, déjà sur scène, travaille la terre, encore et encore, d’un probable portrait de Camille Claudel… Cela dure, dure, l’impatience gagne en même temps que la reconnaissance d’une facilité certaine de travailler et retravailler cette masse déjà reconnaissable. L’étonnement très positif grandit sur cette aisance, qui trouvera plus tard une explication, en se renseignant sur Jean-Baptiste Seckler : ce qu’il fait devant nous n’est pas complètement le résultat d’une mise en scène et d’un jeu, il a fait ses études à l’Ecole Professionnelle d’Art et d’Architecture et a suivi des cours de nu et de morphologie à l’Ecole des Beaux-Arts. La sculpture est aussi chez lui le résultat d’un apprentissage autodidacte qui explique tout ici, et notamment l’envie de nous présenter ces échos du travail et des recherches, du questionnement d’Auguste Rodin.
Très beau sujet, oui, la curiosité est là, d’autant plus que le texte présenté est né directement de notes, journaux, lettres de Rodin. Pas de réécriture, juste remodelage, découpe, ajustement. Ici ou là, une image de Camille Claudel apparaît, photo ou Camille réellement, le mystère nous emporte, nous avons la réponse, bien évidemment, mais le mensonge fonctionne très bien. Nous entendons également la « voix » jouée de Camille Claudel, aigüe, fausse et fracturant bien des choses. Dommage. Mais les informations, les envies de (re)découvertes jaillissent, et surtout l’évidence d’une fascination de Seckler pour Rodin, le bonheur de se fondre en lui, de tenter de le faire découvrir autrement, par son écriture, ses idées, son caractère ? Oui, mais avouons que Le penseur, malgré ses sujets fascinants, et peut-être retravaillé, sculpture scénique, depuis sa création en 2018, n’emporte pas. Le volume, la matière et les formes ne semblent pas avoir contaminé le rythme de la voix, celui du corps. L’impression d’être au bord d’une plage normande, sympathique mais régulière, encore et encore, l’emporte. Du lisse rebondissant, du sale très propre, de la fureur bien sage et de l’envol au ras du sol… La force refuse de monter sur scène. Ou bien, lassée, l’a quittée, allez savoir.
© Hary Govindin
Le penseur, au cœur de l’atelier de Rodin, adaptation, mise en scène et interprétation de Jean-Baptiste Seckler
Assistant mise en scène : Mathieu Durand
Création vidéo : Merlin Pardo
Lumières : Martin Protais et Solange Milhaud
Costumes, décor, scénographie : Jean-Baptiste Seckler
Production : Delys Production
Soutien Polyester 93
Du 28 mai au 27 juillet 2025
Du mercredi au samedi à 19h, le dimanche à 15h30
Durée du spectacle : 1 heure
Rencontre avec l’équipe artistique le vendredi 30 mai 2025 à l’issue de la représentation.
Lucernaire
53, rue Notre-Dame-des-Champs
75006 Paris
Réservations : 01 45 44 57 34
www.lucernaire.fr
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