© Simon Gosselin
ƒƒ article de Denis Sanglard
Etrange nouvelle de l’écrivain Don Delillo, Le Marteau et la Faucille, inspirée de la crise financière de 2008. Dans une prison pour cols-blancs, un camp aux contours flous, le narrateur qui fut trader raconte son quotidien et celui de ses codétenus, délinquants financiers jadis puissants hommes d’affaire, ayant fait fortune dans les hedjfund, faits et défaits des empires, et détournés des millions de dollars, tous désormais réduits à l’état de vieillards ou d’enfants ressassant un passé révolu. Entre le dortoir, la salle de télévision et le stade de foot, c’est une vie désormais de dépossession où plus rien n’a de sens, vie de vide et de solitude absolue sans plus d’espoir jamais où la folie rôde, où l’angoisse ne vous lâche plus. Dehors, le monde est en faillite. Réflexion sur le capitalisme et ses outrances, ses dérives, mais aussi sur la perte et la fragilité des hommes, la vacuité d’une existence aveuglée par l’argent, Julien Gosselin, après avoir intégré cette nouvelle en 2018 dans la création Les joueurs, Mao II, les noms, la présente désormais seule, dans son dépouillement radical et volontaire, portée par le talent singulier d’un comédien.
Face à nous, sur une chaise dont il ne se lèvera pas, Joseph Drouet. Il est la voix du narrateur, Jérold Bradway, et toutes les voix qui l’accompagnent dans cette descente en enfer. Devant lui, un micro, une caméra. Derrière, un écran. Le propre de l’interrogatoire, de la confession. Débit de parole de plus en plus tendu, rythmé par une partition sonore de plus en plus prégnante, pulsation sourde et bientôt anxiogène. Le récit s’emballe, s’affole qui signe une angoisse ne lâchant plus le narrateur devant la perte de sens qui le gagne et le défait. Le jeu de Joseph Drouet est d’une tenue exemplaire, qui maîtrise sans jamais d’excès cette montée dans folie qui le gagne sans toutefois l’atteindre tout à fait. Joseph Drouet est sur un fil tendu, une ligne de crête fragile, juste, évitant le piège de l’histrionisme. Il n’y a pas là un numéro d’acteur mais un comédien tout entier au service d’un texte, exprimant, subtilement, le haut vertige devant un monde qui s’effondre sur lui-même, notre tragédie contemporaine.
Le Marteau et la Faucille de Don DeLillo
Traduction : Marianne Véron
Adaptation et mise en scène : Julien Gosselin
Avec : Joseph Drouet
Scénographie : Hubert Colas, assisté de Andréa Baglione
Assistant à la mise en scène : Maxence Vandevelde
Création musicale : Guillaume Bachelé et Maxence Vandevelde
Création lumières : Nicolas Joubert
Création vidéo : Pierre Martin
Création sonore : Julien Feryn
Costumes : Caroline Tavernier
Du 26 au 28 juillet 2022 à 20 h
Théâtre Paris-Villette
211 avenue Jean-Jaurès
75019 Paris
Réservations :
parislete.notre-billetterie.fr
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