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Le journal d’un fou, de Nikolaï Gogol, d’après la traduction de Louis Viardot, adaptation et mise en scène Ronan Rivière, au Lucernaire

Oct 21, 2023 | Commentaires fermés sur Le journal d’un fou, de Nikolaï Gogol, d’après la traduction de Louis Viardot, adaptation et mise en scène Ronan Rivière, au Lucernaire

 

© Ben Dumas

 

 

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette

Tout d’abord, un très bon décor, d’une simplicité… complexe et efficace. Une sorte de plancher magique, des lattes de bois se soulevant, copines dissimulatrices de toutes sortes d’éléments, vivants ou non, nous verrons. Nous sommes arrivés dans cette petite salle et cette scène est juste là, ouverte si l’on peut dire, avec juste en face de nous, engoncés dans nos discussions, dans Paris aujourd’hui et qui sait encore, les personnages du Journal d’un fou. Ils sont sur scène, tous les deux, un pianiste n’est pas loin non plus. On se dit qu’ils vont bouger quand tout va commencer, oui, tout simplement. C’est mieux que cela, ils prennent vie, se gonflent d’énergie et d’une certaine… puissance, comme si nous étions passés d’une vieille image de Bergamasco par exemple, ce photographe petersbourgeois, à cette mini troupe vivante, juste devant nous. Du vrai pour de vrai, surprenant alors que rien n’est réellement en place.

Un jeune aristocrate fauché discute et est remué par sa bonne, Mavra, seule réminisence d’une fortune largement envolée, voire plus. Oui, Aksenty Ivanovitch Poprichtchine doit travailler, il est fonctionnaire, tout petit fonctionnaire à Saint-Petersbourg et il se pose mille questions, auxquelles il offre le triple de réponses. Tout d’abord d’une façon assez juste et pourquoi pas saine, et ensuite, en taillant toujours bien comme il faut ses mines de crayons (l’essentiel de sa mission d’ailleurs), cela se corse un peu. Mavra l’aime bien et, si elle existe vraiment, allez savoir si elle n’est pas simplement l’image des derniers liens avec la vérité, si elle existe donc, Mavra tente de le remettre, un peu, sur le droit chemin. Et encore, c’est vite dit, c’est quoi un « droit chemin » ? Aksenty Ivanovitch lit un peu n’importe quoi n’importe comment, dans tous les sens, prince de la maladresse et d’une certaine solitude. Il parle, raconte, raconte, parle, parle, de plus en plus vite, apparaît, disparaît, de temps en temps accompagné par Prokofiev, offert par ce discret pianiste. Il croit de plus en plus, aussi vite qu’il se perd et que Mavra baisse les bras. Folie qui avance, grimpe, s’installe, remuante ne sachant rien de l’évanescence. Régulièrement Mavra nous raconte ce qui se passe, ou c’est passé. Elle est une sorte de rambarde pour nous, et gentiment nous évite de suivre de trop près Aksenty Ivanovitch. Attention danger. Oui, aucun doute. Ce personnage tremble, vibre, rapporte ce qui pourraient être des inepties, des blagues. La conversation surprise entre deux chiennes, l’une appartenant à la jeune fille dont il est amoureux. Ces chiennes échangent des lettres dont il fait la lecture devant sa bonne. Ronan Rivière et Amélie Vignaux sont parfaits ou presque. Oui, peut-être un mini demi-mot a glissé ici. L’impression est directe que cela fait partie du jeu. Ronan Rivière se perd, se « fige » dans un tumulte de plus en plus terrifiant. Le regard gagne, la voix. Nous avons juste en face la sécheresse et l’amplitude. Amélie Vignaux soutient, dirige. Le texte est traduit, utilisé d’une façon « moderne », le contemporain frôle. Alléluia, tant mieux. Nous sommes perdus davantage.  L’idée de ce pianiste les accompagnant est très bonne, la musique est peut-être un rien absente cependant. Et l’image de ce pianiste nous fait redescendre, le musicien est un vrai de vrai, et du coup, des bribes de 2023 nous reviennent. A-t-on besoin de musique ici ? Le jeu superbe du fou, de sa bonne, ne suffisent-ils pas ? Peu importe, nous grimpons, grimpons, la tête en bas et les ailes en feu de plus en plus et c’est formidable. Jusqu’au vide absolu.

 

© Ben Dumas

 

Le journal d’un fou, de Nikolaï Gogol

Adaptation et mise en scène : Ronan Rivière

Scénographie : Antoine Milian

Lumières : Marc Augustin-Viguier

Musique : Sergueï Prokofiev

Avec Ronan Rivière, Amélie Vignaux et au piano Olivier Mazal

 

Durée 1h15

 

Du 18 octobre au 10 décembre 2023

Du mardi au samedi, 21h et les dimancges 17h30

Relâches exceptionnelles les 24 novembre et 1er décembre 2023

 

Le 1er février 2024 au théâtre des Arcades de Buc

 

Lucernaire 

53 rue Notre Dame de Champs

75006 Paris

Tel 01 45 44 57 34

www.lucernaire.fr 

 

 

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