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Le jour J de mademoiselle B. , texte et mise en scène de Gabriel F, au Théâtre 14 / Parcours enfance et Jeunesse du Théâtre de la Ville

Oct 12, 2023 | Commentaires fermés sur Le jour J de mademoiselle B. , texte et mise en scène de Gabriel F, au Théâtre 14 / Parcours enfance et Jeunesse du Théâtre de la Ville

ff article de Denis Sanglard

Mademoiselle B. était une actrice célèbre, une jeune étoile acclamée sur toutes les scènes du monde entier. Et puis un jour, sans explication, elle disparut. La faute à Isabelle H. Mais ne divulgâchons pas ce mystère. Aujourd’hui, après tant d’année de silence, mademoiselle B. revient sur le devant de la scène. Après des semaines de répétitions, le grand jour est arrivé, le rideau s’ouvre sur Hamlet. Oui, mais nul ne l’avait prévenu qu’au soir de cette première son public serait composé en majorité d’enfants. Et mademoiselle B. a la phobie de ces petits monstres. La faute à mademoiselle H. Alors, réussira-t-elle à remonter sur scène et dépasser sa peur ? Et tant pis (pour elle) dénonçons celle par qui le scandale est arrivé, Isabelle Huppert. Oui, vilaine petite fille qui a cloué (ce n’est pas une métaphore) la carrière de mademoiselle B sur place.

Ah quel joli petit bijou que cette création pour jeune public, mais pas que, qui dévoile les coulisses du théâtre, la fabrique du rêve, de l’illusion, et prône le courage d’affronter ses peurs et d’être soi. Un hommage aux grandes actrices, aussi. Tout commence comme un remake queer de All about Eve de Mankiewicz, louchant effrontément vers Sunset Boulevard de Billie Wilder, version camp et qui n’est pas sans faire penser, il est vrai, à l’univers kitsch de Pedro Almodovar où se seraient égarées pour notre plaisir quelques créatures chimériques et glamours. Mais tout ici finira bien… C’est du théâtre mâtinée de cabaret, on y chante et danse, un torch-song pour toute les divas iconiques, pour tous les soutiers de l’art dramatique, les petits et les obscurs. Et comme le disait mon voisin Tom de Pékin, ces trois sur le plateau qui semblent jouer leur vie, semblent surgir d’une boite à musique, petites poupées mécaniques répétant cahin-caha la tragédie d’Hamlet dans ce délicat castelet (belle scénographie de Marc Lainé) qui dévoile l’envers et l’endroit, les coulisses et la scène, les joies et les peines. Et tout cela, mené tambour battant par Gabriel F., Marco Michelangelo et Marti Güell, avec beaucoup d’humour et d’énergie et pas plus d’extravagance que ça, ce qui compte étant la vérité des personnages. Trois drag-queens, et donc tout naturellement divas, qui s’emparent d’Hamlet, font des répétitions de cette tragédie une comédie parfois loufoque mais où surgit çà et là, impromptu, une pointe de mélancolie, des éclats de vies sans paillettes parce que la réalité n’est pas toujours rose sous le fard, qu’être ou ne pas être, après avoir été, c’est bien la question ici. S’interroger sur le genre est inutile, le théâtre est affaire de métamorphose, de création de soi. Et comme dit le grand Will « Le monde entier est un théâtre. Et tous, hommes ou femmes en sont les acteurs. Et notre vie durant nous jouons plusieurs rôles ». Le reste est affaire de regards. Enfin aux enfants, Hamlet n’aura plus de secret parce que Mademoiselle B. connait son sujet (et son rôle) sur le bout de ses ongles manucurés et, qui est qui, qui fait quoi, qui tue qui et comment au royaume du Danemark, devient limpide comme le ruisseau d’Ophélie. Et que les minots soient rassurés la représentation aura bien lieu, en son entier – un exploit – dans un ballet étourdissant et hilarant qui voit mademoiselle B. triompher de ses peurs et regagner le cœur du public. Et le nôtre. Tremble Isabelle H. Mademoiselle Bibelot est de retour !