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Le Jour du Grand Jour, par le théâtre Dromesko au Monfort Théâtre

Mai 23, 2022 | Commentaires fermés sur Le Jour du Grand Jour, par le théâtre Dromesko au Monfort Théâtre

 

© Fanny Gonin

 

ƒƒƒ article de JB Corteggiani

La joie déboule par saccades, à l’accordéon ; puis un violoncelle la voile. Un enterrement suit un mariage, un mariage un enterrement, etc. C’est un spectacle circulaire et pourtant sur une seule ligne, en va-et-vient, de cour à jardin, de jardin vers cour, de part et d’autre des gradins de spectateurs (dispositif bifrontal). En bazar traversant passent des tablées braillardes, des mariées à très long voile, des couples de danseurs. Passent des mannequins portés, des macchabées. Passe une truie qui déroule, du bout du groin, une très longue langue de tapis.

On ne résume pas un spectacle du théâtre Dromesko, mélange sans pareil, sur des musiques tsiganoïdes, de dinguerie, de chorégraphie et de cirque avec animaux. Essayons tout de même. Ça commence par un prologue presque classique. Un maire ceint d’une écharpe tricolore (Guillaume Durieux, aussi auteur épatant des parties dialoguées) s’apprête à inaugurer une « yourte pour la vie », après avoir accueilli un concours de vidéosurveillance amateur en l’auguste présence de l’amicale de professeurs de flûte à bec. Comment le maire se transforme-t-il en commercial de Planète literie, qui vante un nouveau modèle d’alèze autoparfumante et recyclable en linceul ? On ne sait plus, et on s’en fiche. Le motif visuel central (linceul/voile) est posé, « l’impromptu nuptial et turlututu funèbre » peut commencer.

On (les neuf comédiens-chanteurs-musiciens) s’agglutine en mêlée de rugby, on se disperse, on se détache par couples. On s’attrape aux chevilles, on se tire par les pieds, on se retient à un pan de voile. On dirait qu’on ne veut pas se quitter. On emmaillote son prochain avec de la gaze.

Rien n’interdit de repérer des cousinages. Avec Tadeusz Kantor, théoricien malicieux de l’emballage et grand utilisateur de mannequins-macchabées. Avec le Théâtre du Radeau, qui aime les mises en scène où les corps se fondent et se défont. Mais la manière de Dromesko est inimitable : elle ne prend appui sur aucun manifeste, aucune élaboration poético-théorique ; elle sent sous les aisselles.

Il y a deux grands moments dans ce spectacle.  Un : Lily et Igor, les deux fondateurs du théâtre Dromesko il y a trente ans, transfuges de Zingaro et du cirque Aligre, soupent silencieusement, en tête à tête. Une voix off met leurs pensées en haut-parleur : « a-t-on fait quelque chose ensemble ? », « qui passera le premier ? », « qu’est-ce que de toi je suis devenu ? ». Le poil se dresse sur les avant-bras des poilus qui ont lu le programme de salle : cette représentation de Le Jour du Grand Jour, créé en 2014, est la dernière. Dernière aussi pour Le dur désir de durer (2017), du 1er au 11 juin au Monfort.

Deux : la pénombre s’est faite, et un silence de numéro de fildefériste. Sur la piste, Lily et Igor spiralent côté à côte. Le grand Charles (pas le général), le marabout Charles (pas le voyant), l’échassier mascotte, rescapé de la légendaire Volière Dromesko (1990), déploie ses immenses ailes irisées, monte sur le dos de l’un, passe sur le dos de l’autre, l’un et l’autre tournoyant doucement, quatre, cinq fois. Je préfère le théâtre au cinéma, disait une petite fille dans une très sérieuse enquête sur les pratiques culturelles des enfants, parce qu’au théâtre, j’ai toujours peur que la dame elle perde sa chaussure. Transposons : le théâtre, c’est quand on a peur qu’un marabout de Tanzanie, vétéran de quarante ans, se prenne les pattes dans le tapis ou décide d’aller voler ailleurs.

 

© Fanny Gonin

 

Le Jour du Grand jour, conception, mise en scène et scénographie : Igor et Lily

Texte : Guillaume Durieux

Avec : Florent Hamon, Lily, Guillaume Durieux, Violeta Todό-González, Igor, Zina Gonin-Lavina, Revaz Matchabeli, Phillipe Cottais et Elsa Foucaud (jeu, danse, musique)

Création et régie lumière : Fanny Gonin

Création son : Philippe Tivilliers 

Régie son : Morgan Romagny

 

 

Durée : 1 h 30

Du 19 au 28 mai 2022 à 20 h 30

 

 

Le Monfort Théâtre

106 Rue Brancion, 75015 Paris

Tél : 01 56 08 33 88

https://www.lemonfort.fr

 

 

 

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