ƒ article d’Ulysse Di Gregorio
© Pascal Victor/ArtComArt
Le merveilleux plateau des Bouffes du Nord est nu, et sur celui-ci apparaît dans son long manteau noir un homme au visage tourné vers le sol. Il lit une à une les épitaphes des tombes qui surgissent sous ses yeux et qui tantôt révèlent des volontés humaines, tantôt des volontés animales. Tout ce décor dans lequel le spectateur est plongé, est bien sûr uniquement le fruit de l’imaginaire qu’André Marcon nous donne à voir grâce à son interprétation. Réflexion sur le sens et le non-sens de l’existence, sur ce que l’homme en tant qu’être de la Création est le seul à détenir : le langage. Un langage prolixe pour dire ce qu’il ne dit plus, voilà ce que Novarina cherche à faire ressentir au spectateur. André Marcon interprète avec sensibilité, sincérité et humour ce texte d’une redoutable difficulté. Le seul bémol que l’on pourrait émettre concerne la diction, qui se trouve toujours sous le signe d’un tempo « prestissimo », empêchant ainsi le texte de respirer et perdant par moment l’auditoire. C’est au moment où André Marcon pousse la chansonnette que le texte prend toute sa plénitude, car le temps de respiration du comédien nécessairement plus long et plus fréquent pour chanter ralentit le rythme de la parole et sculpte ainsi la phrase. Le rapport à Dieu, le rapport à la mort et à la naissance sont ici interrogés avec un humour cynique et grinçant. L’homme s’adresse aussi bien aux animaux qu’à Dieu, et dans les deux cas ses questions restent sans réponse ; il crie, vocifère, tempête, mais seule sa voix retentit. Autrui est perçu comme une hyperbole terrifiante de soi-même, et la peur de l’homme face à l’existence s’exprime par l’évocation récurrente du « trou ». Ce « trou » par lequel l’âme est, et qui indique déjà l’obscurité dans laquelle nous nous trouvons lorsqu’il s’agit de penser la mort.
Ce long monologue – où les mots sont transformés, décortiqués, où leurs sonorités sont à elles seules de nouvelles histoires – entraîne le spectateur dans une réflexion sur le langage. Ce rapport que nous entretenons aujourd’hui avec le langage dans une volonté presque exclusive de communication, se trouve paradoxalement exposé à l’impossibilité de communiquer avec le monde. Le théâtre de Novarina montre ce paradoxe et nous le donne à penser dans ce Discours aux animaux.
Discours aux animaux
Texte Valère Novarina
Par André MarconDu 5 au 20 février 2016
Du mardi au samedi à 19hThéâtre des Bouffes du Nord
37 bis, bd de La Chapelle, 75010 Paris.
Réservation +33 (0)1 46 07 34 50
www.bouffesdunord.com
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