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Le Consentement, écrit par Vanessa Springora, mise en scène de Sébastien Davis, Théâtre du Rond-Point

Mar 08, 2024 | Commentaires fermés sur Le Consentement, écrit par Vanessa Springora, mise en scène de Sébastien Davis, Théâtre du Rond-Point

© Christophe Raynaud de Lage

ƒƒƒ article de Corinne François-Denève

Au début, elle s’avance sur la scène, comme pour se présenter, ou jauger ceux et celles qui vont l’écouter. Elle respire, le souffle un peu précipité déjà, sourit à certains et certaines, observe, accroche des regards. Puis elle disparaît derrière la toile de fond, sorte de membrane plastique qui, selon qu’elle s’approche ou s’éloigne, efface ou dessine les contours de son corps. Derrière cet écran, elle se déshabille. Elle se met nue, à nu. Elle l’a fait tellement de fois. Mais cette fois, c’est pour raconter sa vérité, écrire et dire sa fiction.

L’ouvrage de Vanessa Springora, également adapté pour le cinéma, est bien connu. Cette « V. » et ce « G. » sont transparents. On connaît Le Consentement, on sait ce qu’on va entendre : l’histoire d’un littérateur épris de nymphettes, disait-on en gloussant dans les émissions littéraires, ou plutôt, donc, le récit de la dégueulasserie paisible et satisfaite d’un prédateur connu et protégé de tous, d’un pédophile avéré, qui guette les gamines à la sortie du collège, pour les « initier » et, à rebours, se nourrir de leur chair fraîche, et gloutonnement jouir d’une jeune inspiration pour ses abjects ouvrages. Mais comment le dire, et surtout comment le représenter ?

Ludivine Sagnier, au Théâtre du Rond-Point, est seule en scène, ou presque : un batteur l’accompagne. Elle interprète tous les personnages du livre de Springora. Elle est la mère dépassée, le psychanalyste stupide, le médecin moins bête, mais aussi « V. » et « G. ». Les gestes sont esquissés, abstraits, tenus à distance, loin de l’obscène ou de l’explicite. Ce sont les mots qui disent les choses. Là où l’autrice s’emparait de l’arme de prédation qu’était devenue, entre les mains de « G. », la littérature, pour écrire un contre-récit aux souillures plumitives de l’auteur, s’accaparant enfin la parole, reprenant son « je », et inversant la domination, le théâtre porte une parole incarnée par Ludivine Sagnier. On l’a connue blonde fragile ou sculpturale dans les Ozon. Elle a été la fée Clochette de Spielberg. Ses grands yeux bleus, sa chevelure blonde et sa moue enfantine, coincés dans un coin de notre rétine collective, n’ont pas changé, non plus que sa voix, un peu cassée et boudeuse. Elle est la petite collégienne à la queue de cheval qui balance lorsque, de dos, elle remonte la rue qui conduit chez sa mère, que l’on a envie d’arrêter, de saisir par le bras, pour lui dire « N’y va pas ! ». Et c’est elle qui livre le terrible récit, chronologique, d’une emprise, et d’une agression. Un lit de soie noire d’un côté, une table et une chaise de l’autre : point d’afféteries de scénographie. La musique, en live, pour scander ces instants d’une enfance fracassée. Des passages ritualisés derrière le fond de scène, déshabillage, rhabillage en flouté, avant que le personnage n’en ressorte, dans ses propres habits de femme enfin révélée à elle-même et on l’espère réparée.

On craignait le buzz, le sensationnalisme facile. Mais Sagnier porte à bout de bras, avec émotion, indignation et sincérité, le spectacle, de vraies larmes au bord de ses grands yeux d’enfant. Le propos est odieux et terrible, mais l’actrice réussit, en de fulgurants moments, à faire passer de lumineux moments d’humour et d’espoir, tenant le reste à bout de bras, sur le fil.

 

© Christophe Raynaud de Lage

 

Le Consentement, écrit par Vanessa Springora

Mise en scène par Sébastien Davis

Avec : Ludivine Sagnier, Pierre Belleville

Collaboration artistique : Cyril Cotinaut

Création musicale : Dan Levy

Création lumière : Rémi Nicolas

Assistante à la mise en scène : Dayana Bellini

Scénographie : Alwyne de Dardel

Assistante scénographie : Claire Gringore

Stagiaire scénographie : Sabine Rolland

Régie générale : Julien Alenda

Régie son : Warren Dongué

Directrice de production : Véronique Felenbok

Chargée de production : Aliénor Suet

 

Du 7 mars au 6 avril 2024 

Du mardi au vendredi, 19h30

Samedi, 18h30

Dimanche, 15h30

Relâche : Les lundis et les dimanches 17, 24 et 31 mars

 

Durée du spectacle : 1h20

Ce spectacle fait référence à une relation pédophile et peut heurter la sensibilité des personnes concernées.

 

 

Théâtre du Rond-Point (salle Tardieu)

2bis av Franklin D. Roosevelt

75008 Paris

Réservation 01 44 95 98 21

www.theatredurondpoint.fr

 

 

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