© Christophe Raynaud de Lage
f f article de Nicolas Brizault-Eyssette
Le consentement est un livre de Vanessa Springora. Il raconte comment, à peine adolescente, elle a eu avec Gabriel Matzneff une relation indescriptible et terrible… Ce livre parle de ce dont il est très difficile de parler. La honte, la douleur, la peur…
Le consentement est est un immense monologue, avec ici ou là des interventions de la mère, du père (toujours aussi violent et désagréable, même après le divorce des parents), de Cioran. La petite fille, la jeune adolescente raconte, montre qui elle est puis explique, met en plein jour la vérité, la souffrance. Le tout manque un peu de vitamines, l’impression que ces deux soirées « de plus », après celles de novembre 2022 à l’Espace Cardin, sont reprises sans trop de peps, juste pour montrer que oui, ce texte est bien, sans aucun doute, et que le spectacle devrait l’être aussi.
On est emporté dès le début par la disparition de l’ado derrière ce voile blanc immense et tendu, en fond de scène, derrière lequel elle se dénude, reste figée, souffre. Très bon moment, repris une autre fois, puis une troisième, minimum comme si la bonne idée devenue circulaire revenait sans cesse. Pas de doute. Bon, pourquoi pas mais on sent une lenteur dans tout ça, comme s’il y avait un panneau au-dessus de la tête de Ludivine Sagnier où elle avait écrit, pour elle, « Allez, j’y retourne. Il faut aussi que je dise ça, que je parle de ça et n’oublie pas de répéter que… Encore, etc. » Cela ne nous attrape pas. Le jeu de la musique est une redondance aussi. Rien d’autre, pas le souffle coupé chez nous, de l’autre côté de la scène. Comme si nous étions face à un très bon spectacle qui avait mal vieilli avant même d’être sur scène. Dommage.
La mère de cette gamine s’en fout ou alors ne se rend pas compte ou bien Matzneff est plus important. Il l’intimide ? Puis ce n’est que sa fille, peut-elle avoir raison ? Le père est toujours violent lorsqu’il passe, ou absent, le divorce n’arrange rien, donc comment lui parler de cela ? Cioran a aussi trouvé mille raisons pour tout expliquer à cette jeune fille qui devrait se rendre compte du talent immense de Matzneff. Devrait-elle apprécier cette chance d’être un jouet pour cet homme sachant mentir si bien ? Que les mensonges et la saleté existent ? Allez savoir ? Elle nous raconte tout, gesticulante, nous montre tout, brandit l’évidence. Celle du jeu de cet homme, dégueulasse, et celle de la non-importance qu’affichent les autres à ce qu’elle peut raconter, elle. Il faudra la justice, puis un livre, pour finir tout ça. Et une pièce de théâtre ? Allez savoir.
Mais le jeu, ou bien la mise en scène de cette pièce ne paraissent pas à la hauteur. Le rythme n’est peut-être pas le meilleur. Lenteur et mollesse parfois, répétitions liées à ce que cette jeune fille a vécu ou bien mise en scène et jeu qui ne fonctionnent pas ? La fin est un mauvais sur-martelage. Un superbe éclat va nous laisser coi, c’est évident. Ah, il a un double, non un triple, on prend tout et on recommence avant d’éteindre les lumières pour faire comprendre que cette fois c’est vraiment terminé. Le trop, le rythme, les expressions faibles. On aime ou on aime pas. Le souffle n’est pas coupé.
© Christophe Raynaud de Lage
Le consentement, de Vanessa Springora
Mise en scène de Sébastien Davis
Avec Ludivine Sagnier
Création musicale : Dan Lévy
Scénographie : Alwyne de Dardel
Lumières : Rémi Nicolas
Collaboration Artistique : Cyril Cotinaut
Chorégraphie : Dayana Brunoro
Avec le musicien Pierre Belleville
Du 28 février au 1er mars, à 20 heures, (reprise)
Durée 1 h 20
Le texte de Vanessa Springora a paru en 2020 aux Éditions Grasset
Théâtre de la Ville – Les Abbesses
31, Rue des Abbesses
75018 Paris, France
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