© David Anémian
ƒƒƒ Article de Corinne François-Denève
Avant de se lancer sur le « marché » du théâtre, les élèves de l’ENSATT se produisent dans un atelier-spectacle marquant la fin de leurs études. Jean-Pierre Vincent a choisi de les faire travailler autour du thème de l’argent-roi – rien d’étonnant dans notre ( ?) start-up nation made in 2018. Trois textes s’enchaînent : « Le discours sur l’origine des richesses » de Jean-Jacques Rousseau, texte retors et cynique sur la charité bien ordonnée et la fortune, dit face public en ouverture du spectacle, Le Chemin de fortune, sotie peu connue de Marivaux, succession de saynètes qui mettent en scène des allégories, et Le Legs du même Marivaux, pièce dans laquelle la promesse de 200 000 francs vient semer la perturbation dans les amours de trois couples, quatre maîtres et deux domestiques.
L’ENSATT forme des comédiens et comédiennes, mais aussi des costumiers, des scénographes, des administrateurs, des régisseurs… Cette « restitution » de travaux d’élèves, en conséquence, est un spectacle remarquablement abouti, qui ferait rougir bien des productions « professionnelles ». Rien à dire sur les lumières et les sons. Il n’y a pas un centimètre de trop à la petite chaussure noire de « Scrupule » ; il ne manque pas le moindre petit brin d’herbe folle au bas des pierres tombales du Chemin de fortune. La serre du Legs, chargée de plantes vertes, la longue table en avant-scène, la table ronde au lointain, le petit canapé à jardin, le seau à champagne avec le bon nombre de glaçons qui feront juste le bon bruit quand on y reposera la bouteille sont tout simplement parfaits. Les acteurs et actrices, dans la fougue de leur jeunesse, jouent une partition parfois inégale, mais forcément riche de promesses.
Pour Le Chemin de fortune, Jean-Pierre Vincent choisit la simplicité de l’apologue. Sa Fortune, campée avec un superbe aplomb par Louise Morin, est couverte d’or, lovée dans un fauteuil kitsch, et sonorisée, car la Fortune a une voix qui porte… Le personnage s’en va lorgner du côté du mauvais goût sublime des films de Cecil B. de Mille. Difficile ensuite de faire exister une pièce qui coud à la suite de petites anecdotes souvent faiblardes. Le Legs, pièce plus connue de Marivaux, et remarquablement construite, est transposée avec bonheur dans les années trente. On pense évidemment à La Règle du jeu, satire historique en moins. Les couples se croisent et se décroisent, on assassine à distance, et in abstentia, les notaires, pour faire triompher l’amour sur l’argent. Entre Becque et Marivaux, les personnages conservent leur force comique. On soulignera à cet égard la force des deux acteurs qui incarnent les maîtres. Rémy Salvador, mixte de Jouvet et de Pitoëff, incarne un radin finalement rédimé par l’amour. Mais surtout on ne quitte pas des yeux et des oreilles l’impayable Zacharie Féron, sorte de Tintin ahuri à qui l’amour a décidément fait perdre la tête, la virilité, l’intelligence, tout en un mot. Il fait de son personnage un séducteur décavé et hystérique, au burlesque assumé et parfaitement maîtrisé. Il est peu de dire qu’on a hâte de le revoir.
Le Chemin de fortune & Le Legs de Marivaux
Atelier-spectacle dirigé par Jean-Pierre Vincent
Dramaturgie de Bernard Chartreux
Pour et avec les étudiants de la 77e promotion Joël Pommerat
Assistant mise en scène Hugo Roux
Acteurs et actrices Louison Alix, Hugo Boulanger, Eva Blanchard, Cédric Danielo, Zacharie Feron, Maxime Grimardias, Kenza Laala, Lauriane Mitchell, Louise Morin, Rémy Salvador, Adrien Zumthor
Administrateur et administratrices Alexis Gangloff , Laura Olocco, Iona Petmezakis
Concepteur et conceptrice costume Alex Costantino, Ludivine Roux
Assistante conception costume Virginie Méneret
Concepteur et conceptrice lumière Solange Dinand, Hugo Fleurance
Concepteur et conceptrice son Charlotte Bozzi, Camille Vitte
Scénographes Irène Vignaud, Jordan Vincent
Atelier scénographie Floriane Benetti, Martina Boik, Margaux Follea, Charlotte Girard, Aviva Masson, Thérésa Steiner
Coupeuses Mélanie Bernet, Cécile Destouches, Alice Domergue, Flavie Goret, Marianne Le Breton, Irène Rebete, Julia Rempe, Betty Rialland
Réalisatrices costume Florence Betrand, Malaury Flamand, Aurore Lemene, Rose Muel, Lisa Paris, Pauline Pierrefeux, Ophélie Reiller
Régisseur et régisseuse son Louise Blancardi, Simon D’Anselme de Puisaye
Techniciens son Nicolas De Gelis, Haldan De Vulpillere, Thibaut Farineau, Felix Mirabel
Régisseur et régisseuse lumière Sarah Eger, Gauthier Le Goff
Techniciennes lumière Alice Nedellec Amandine Robert
Du 25 juin au 6 juillet 2018 à 20h
Matinée en supplément le 28 juin à 14h30
Relâche le dimanche
durée : 2 h
ENSATT – Théâtre Laurent Terzieff
4 rue des Sœurs Bouvier
Lyon 69005
Réservations sur www.nuitsdefourviere.com
ou par téléphone au 04 72 32 00 00
www.ensatt.fr
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