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Le bourgeois gentilhomme, de Molière, mise en scène de Valérie Lesort et Christian Hecq, à la Comédie-Française, Place Colette

Juin 26, 2021 | Commentaires fermés sur Le bourgeois gentilhomme, de Molière, mise en scène de Valérie Lesort et Christian Hecq, à la Comédie-Française, Place Colette

 

 

© Christophe Raynaud de Lage, coll. Comédie-Française

 

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault

Une pièce bonne à 100% ? Sachons nous emporter un peu moins et disons 98, restant sans doute encore trop adepte d’une joie « rebondissante » et fier de l’être. Molière, nous connaissons, et monsieur Jourdain, Le Bourgeois gentilhomme, ce personnage qui a fait fortune et se démène pour se faire passer pour un « grand », un gentilhomme justement, et plus si affinités… Alors il prend des cours de musique et de danse, il a aussi un maître d’armes, un autre de philosophie. Il souhaite que tout cet argent fasse de lui une sorte de merveille sur pieds, le plus séduisant homme jamais rencontré, aux vêtements composés par un excellent tailleur, cela va de « soie » si monsieur Jourdain avait écrit cet article, et il aurait souligné ce mot trois fois, l’aurait encadré certainement, avec son portrait tout autour. Il veut la plus belle maison possible. Il est prêt à financer toutes les envies de Dorante, un comte dont il pense être l’ami, et qui surtout, pense-t-il, peut l’aider à déclarer sa flamme à la jeune et belle marquise Dorimène. Oui parce que madame Jourdain, comment dire, eh bien madame Jourdain est bien trop sûre d’elle-même et de son rang, elle n’est pas assez débordante d’envies de broderies et de voies rapides vers la Cour ! Tout est évident pour elle, elle n’a comme souci que les dépenses immenses, inutiles et ridicules de son mari. Madame Jourdain soupire de toutes ces vagues absurdes, pour le moins. Elle souhaite pourvoir marier sa fille Lucile à Cléonte, un homme bien sous tous rapports mais monsieur Jourdain s’étouffe quand il apprend que ce sympathique garçon, bien comme il faut, avec des sous dans les poches, n’a hélas pas une once d’aristocratie, pas une goutte de sang « comme il faut » dans les veines. Donc que nenni !!

Et maintenant, la mise en scène de Valérie Lesort et Christian Hecq (monsieur Jourdain, le petit bonhomme joyeusement époustouflé par ses talents multiples, vous savez, toutes ces graines à fou-rire qui font tant souffrir sa femme et sa servante notamment)… Alors là le bonheur est total… Ils nous font rêver tous les deux, ils nous font rire et dès le départ nous séduisent et surprennent avec la musique. Ici, celle de Lully épouse des arrangements de Mich Ochowiak et Ivica Bogdanić, qui ont réussi des approches splendides avec des danses folkloriques serbes par exemple. Ces rythmes nous donnent des impressions d’accumulations, de mouvements, joués par cinq musiciens et un comédien. Monsieur Jourdain aimerait tant parfois les imiter, il n’y a aucun doute.

Un autre plaisir est ce décor noir, sombre, austère et élégant. Il fait ressortir les costumes tous plus fous et chargés de détails les uns que les autres, et ce décor apporte aussi une facilité évidente pour dissimuler la présence de marionnettes simples et époustouflantes qui vont des notes de musique en passant par brebis et moutons, en passant par les délices de repas surfins. Et puis, sous cette musique, rebondissant dans ce décor et surprise elle-même par les marionnettes, devinez… les personnages ! Tous ont une force particulière, nous entraînent et leur texte est découpé, comme recouvert ici ou là de stabilo pour nous surprendre, nous faire rire, oui, tout simplement, nous étonner avec un texte que nous pensions parfaitement connaître et que là, nous découvrons presque, comme si de nouvelles plaisanteries avaient poussé ici ou là, dans ce texte même, prenant l’apparence renversante de thèmes auxquels nous n’aurions jamais pensé au collège en lisant fort sagement Molière. Et hop ! Nous sommes époustouflés ! Nous sommes pris dans cette histoire, attendons ce qui va se passer, là dans un instant !! Pensons aux  turcs… la blague est immense et les ricanements sont visibles sous les costumes faits avec tout ce qu’on a pu trouver dans cette maison, entre légumes, rideaux, coussins ou ustensiles chipés dans la cuisine. Des abat-jours presque contemporains nous apparaissent 17e siècle sans soucis et un éléphant multiforme tente de garder son sérieux face à monsieur Jourdain ! Il est difficile de ne pas en dire trop, la joie est là, nous emporte, nous donne l’impression d’avoir participé à cette facétie un peu cruelle.

Il y a toujours les 2 % un peu moins fascinants, oui, parfois une mini lenteur, comme si le magicien et la magicienne Lesort-Hecq avaient pris leur temps ici ou là, dans le mouvement d’une table noire, la descente d’un escalier. Rien d’exaspérant, peut-être tout bêtement l’envie furieuse d’être face à de nouvelles folies, qui réjouissent sans doute Molière dans sa tombe ! Mais pour être parfaitement honnête, la reprise des transports en commun s’est montrée difficile en sortant de la Comédie-Française et une joyeuse déambulation dans les rues s’est imposée !

 

© Christophe Raynaud de Lage, coll. Comédie-Française

 

Le bourgeois gentilhomme, de Molière
Mise en scène : Valérie Lesort et Christian Hecq
Scénographie : Éric Ruf
Costumes : Vanessa Sannino
Lumières : Pascal Laajili
Musiques originales et arrangements : Mich Ochowiak et Ivica Bogdanić
Travail chorégraphique : Rémi Boissy
Marionnettes : Carole Allemand et Valérie Lesort
Assistanat à la mise en scène : Florimond Plantier
Assistanat à la scénographie : Julie Camus
Assistanat aux costumes : Claire Fayel de l’académie de la Comédie-Française

Avec :

Véronique Vella, Sylvia Bergé, Françoise Gillard, Laurent Stocker, Guillaume Gallienne, Christian Hecq, Nicolas Lormeau, Clément Hervieu-Léger, Gaël Kamilindi, Yoann Gasiorowski, Jean Chevalier, Géraldine Martineau

Académie de la Comédie-Française : Antoine de Foucauld et Nicolas Verdier

Et :
Ivica Bogdanić : Musicien, accordéon, percussions
Rémi Boissy : Danseur, Garçon tailleur et manipulation de marionnettes
Julien Oury : Musicien, trombone, tuba
Alon Peylet : Musicien, trombone, trompette, tuba
Victor Rahola : Musicien, hélicon
Martin Saccardy : Musicien, trompette

 

Du 18 juin au 25 juillet 2021

Durée 2 h 20 sans entracte

 

Comédie-Française

Place Colette

75001 Paris

www.comedie-francaise.fr

Réservations 01 44 58 15 15

 

 

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