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Le Barbier de Séville, de Rossini, direction musicale de Roberto Abbado, mis en scène par Damiano Michieletto, Opéra Bastille

Juin 07, 2022 | Commentaires fermés sur Le Barbier de Séville, de Rossini, direction musicale de Roberto Abbado, mis en scène par Damiano Michieletto, Opéra Bastille

 

© Elisa Haberer / Opéra national de Paris

 

ƒƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia

Le Barbier de Séville, opéra en deux Actes que Rossini composa en l’espace d’un mois à l’âge de 24 ans (1816), est, dans la mise en scène de Damiano Michieletto et la direction musicale
de Roberto Abbado à l’Opéra Bastille, un tourbillon de vie, un cyclone de perfection vocale, une tornade de belles idées scénographiques.

Créé en 2010 au théâtre de Genève, et au répertoire depuis 2014 à l’Opéra national de Paris, il en était déjà à sa 42ème représentation au second soir de cette saison 2021-22 et à sa 1279ème représentation toutes productions confondues, succès non démenti qui ne relevait pourtant pas de l’évidence puisqu’à sa création à Rome fut très chahutée.

Après une ouverture tout en délicatesse, presque trop sage, de l’orchestre de Paris, excellemment dirigé tout le long de cet opéra buffa par Roberto Abbado, le rideau se lève sous les applaudissements laissant découvrir un décor époustouflant. Le choix scénographique essentiel repose sur une façade d’immeuble méditerranéen, avec du linge et des habitants (cigarettes aux lèvres ou agitant des éventails) aux fenêtres, un café à jardin et une voiture bleu électrique au centre du plateau. Les applaudissements retentissent à nouveau spontanément quand le décor se met en branle, c’est-à-dire quand la partie centrale du bâtiment se met à tourner sur elle-même en faisant voir l’intérieur des pièces sur trois étages aux papiers peints qui pourraient tout droit être sortis de Volver d’Almodovar et des escaliers intérieurs et extérieurs sur les côtés. A la fin de l’Acte I, quand l’intrigue est à son acmé, que les complots des uns et des autres ont échauffé les esprits et les cœurs, la rotation de l’immeuble autour et au sein duquel chanteurs et figurants virevoltent est presque digne de La maison démontable de Buster Keaton.

La précision de la décoration dans son luxe de détails est en outre stupéfiante. Du bureau du docteur Bartolo et de la chambre de Rosina, jusqu’à celle de Berta tout en haut, en passant par la cuisine équipée entre mille autres choses d’une cafetière à moka italienne. Peu importe que l’histoire se situe originellement (y compris dans le texte de Beaumarchais) à Séville au XVIIIème. L’exactitude des lieux et des époques est délibérément rejetée, les anachronismes assumés, notamment, lorsque dans cette ambiance années 1970 le conte d’Almaviva sort un téléphone portable pour attester de son identité véritable.

Si René Barbera semble un conte d’Almaviva un peu timide dans ses premières phrases, la finesse de sa tessiture cristalline de ténor enchante très vite. De même, si Renato Girolami présente de prime abord une forme de rudesse, l’impression qui se renverse peu à peu, lorsque sa voix de baryton fait preuve de toute sa richesse, ainsi que par sa présence et son jeu qui en font un Bartolo finalement très convaincant et extrêmement comique. Andrzej Filończyk dans le rôle titre est un Figaro virevoltant comme il se doit, un baryton brillant et puissant, facétieux et séduisant.

Même si la partition n’offre pas une grande place à la truculente Berta, Katherine Broderick honore ce petit morceau pour soprane et réjouit le public par son talent de comédienne en bigoudis et robe de chambre s’essayant au 3ème étage de l’immeuble aux haltères devant une série télé. Alex Esposito en Basilio (notamment dans l’air de la calomnie qui est par ailleurs un chef d’œuvre de mise en scène et de direction d’acteurs), Armando Noguera en Fiorello et Christian Rodrigue Moungoungou complètent le magnifique plateau vocal, qui est non pas dominé, mais sublimé par la découverte de la soirée. Aigul Akhmetshina est la mezzo-soprano rêvée pour cette Rosina ingénue à souhait, qui avec une facilité déconcertante peut presser des oranges tout en chantant un air virtuose, qui sait jouer avec le plus grand naturel une adolescente à la limite du gothique mettant son casque sur les oreilles pour ne pas écouter son tuteur qui lui fait des avances et la réprimande sur sa conduite légère dans sa chambre tapissée de posters. Son phrasé rossinien est impeccable, la projection de sa voix dans les aigus comme dans les graves est prodigieuse, aussi bien au 2ème étage qu’au rez-de-chaussée de cette bâtisse fantastique.

Ce Barbier de Séville peut réjouir aussi bien les amateurs de bel canto que les réticents ou lassés des opéras italiens, les habitués des salles de concerts comme les novices et doit être absolument recommandé à ceux qui hésiteraient encore à se rendre à l’opéra pour la première fois ou à faire découvrir à leurs enfants ce genre du spectacle vivant, qui se termine en happy end avec des canettes en guise de casseroles accrochées à une moto à gros cylindres qui a remplacé dans le second Acte la voiture du début. Et le public se retient, avant de se lever en masse pour applaudir, d’entonner avec le chœur ses adieux : « que l’on voie l’amour et la foi éternelle triompher en vous » !

 

© Elisa Haberer / Opéra national de Paris

 

 

Le Barbier de Séville

Musique de Gioacchino Rossini

Livret de Cesare Sterbini

D’après Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais

Direction musicale : Roberto Abbado

Mise en scène : Damiano Michieletto

Décors : Paolo Fantin

Costumes : Silvia Aymonino

Lumières : Fabio Barettin

Chef des chœurs : Alessandro Di Stefano

Avec : René Barbera, Renato Girolami, Aigul Akhmetshina, Andrzej Filończyk, Alex Esposito, Armando Noguera, Katherine Broderick, Christian Rodrigue Moungoungou

 

Durée 3 h 15 (dont un entracte de 30 mn)

Prochaines dates : les 7, 10, 14, 17 et 19 juin à 19 h 30

 

 

Opéra national de Paris – Opéra Bastille

Place de la Bastille, 75012 Paris

www.operadeparis.fr

 

 

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