À l'affiche, Critiques // « L’avantage avec les animaux c’est qu’ils t’aiment sans poser de questions », au Théâtre du Rond-Point

« L’avantage avec les animaux c’est qu’ils t’aiment sans poser de questions », au Théâtre du Rond-Point

Jan 20, 2015 | Commentaires fermés sur « L’avantage avec les animaux c’est qu’ils t’aiment sans poser de questions », au Théâtre du Rond-Point

ƒ article d’Anna Grahm

p183768_7© Giovanni Cittadini Cesi

La question que pose ici Rodrigo Garcia n’est pas de savoir ni d’où l’on vient ni on l’on va – ce qui est pour lui de l’anecdote – mais comment vivre. Tout le texte interroge le comment vivre ensemble, la façon de nous relier, cette facilité à l’indifférence, cette faculté que nous avons de nous abandonner les uns les autres.

Tout va se jouer sur un de ces terrains de basket grillagé que l’on a collé sur un bout de trottoir, en pleine ville, ou au cœur d’une banlieue loin du centre. C’est derrière ce grillage que nos trois personnages apparaissent : deux femmes en jupettes, blousons de cuir et lunettes noires, et un homme comme un Marx Brother. Les voilà qui s’agrippent, secouent la clôture, font d’abord résonner cette cage comme des animaux de zoo.

Lui, vient de réchapper à un cancer et le voilà maintenant qui entre sur le terrain et joue avec une balle invisible, on dirait qu’il danse. Elles l’accompagnent, une urne dans les bras, s’amusent avec lui, l’écoutent, le reprennent, le rabrouent. Elles s’entendent avec lui sur tous les excès.

Lui qui a sauvé sa peau a désormais cette sorte de rage magnifique propre à briser les codes de la bienséance. Elles ne sont pas en reste. Toutes aussi enragées et bondissantes. Avec lui, les biens pensants bien assis sur leurs idées reçues sont salement bousculés. Et la solitude s’invite sur le plateau. Et la fragilité et la peur indicible aussi. Et s’il ne tarit pas d’éloges sur la plume acérée, burlesque et amère de Quevedo, c’est que le poète l’aide à rester en vie.

Une partie de mon cerveau est dans la mémoire et l’autre sur un futur lointain. Quelqu’un comme moi est une catastrophe pour le présent. Comment être présent, comment ne rien regretter, comment rester en dialogue avec le vivant. Son énergie dithyrambique interroge le mouvement, la lumière, Velasquez conserve son éternité, tandis que la plus petite, elle, encense Walser. L’écrivain des microgrammes, celui qui s’empare des choses les plus minces, qui a su saisir les êtres invisibles pour leur offrir un panthéon.

Qu’est-ce qui ne tourne pas rond dans notre société, comment faire pour que les hommes soient plus utiles les uns aux autres. Il perce les points noirs de l’éducation. Tandis que l’autre, la plus foldingue des deux, la plus électrisée, dénonce les sentiers de promenades désormais interdits, charge sa mère sur son dos pour la sortir de l’hôpital et la perdre dans les bois. On se voudrait invincible. Immortel. Comme un héros de conte cruel.

La déambulation dans le travail de l’architecte Enric Miralles nous invite à lever la tête, la façon d’haranguer ou de murmurer aussi.

Tout fait penser à la bible nous dit-il. Les conservateurs, gardiens des récits peuvent souffler. Mais si la puissance de la langue nous emporte, nous galvanise même parfois, si les enfermements que nous subissons sont décloisonnés, portés par d’admirables comédiens, nous restons pourtant, au bout du compte, sans trop comprendre pourquoi, au bord du chemin, peut-être essoufflés par cette course folle de la pensée. Sans doute que toutes ces provocations aux envolées lyriques nous ont un peu sonné. Sans doute aussi avons-nous perdu le fil de nos forces. Encore anéantis par la violence que nous traversons. Il est si difficile d’accepter d’entendre qu’il a simplement fallu, pour qu’il s’en sorte, se lever pour préparer le petit déjeuner aux enfants et donner à manger au chien.

L’avantage avec les animaux c’est qu’ils t’aiment sans poser de questions
Texte Rodrigo Garcia
Mise en scène Christophe Perton
Avec Vincent Dissez, Judith Henry, Anne Tsmer

Du 15 janvier au 14 février 2015 à 20h30
Salle Jean Tardieu
Relâche les lundis et le 18 janvier
Dimanche à 15h30

Théâtre du Rond-Point
2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt – 75008 Paris
réservations 01 44 95 98 21
www.theatredurondpoint.fr

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