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L’Art de perdre, d’Alice Zeniter, mise en scène de Sabrina Kouroughli au Théâtre de Belleville

Sep 06, 2023 | Commentaires fermés sur L’Art de perdre, d’Alice Zeniter, mise en scène de Sabrina Kouroughli au Théâtre de Belleville

 

© Gaëtan Vassart

 

ƒƒ Article de Sylvie Boursier

On a tous quelque chose de l’Algérie, ce pays continent de la Tadrart rouge au sud à la Kabylie au nord. Le Sahara et la Suisse sous le même drapeau pour le dixième plus grand pays du monde, premier sur le continent africain et dans le monde arabe. Alice Zeniter, petite fille de Harkis, a brossé dans L’art de perdre une fresque épique et dérisoire sur le destin d’une de ces familles Kabyles qui ont connu l’exil en 1962, une fois signés les accords d’Evian. En métropole, les harkis se sont tus « L’Algérie les appellera des rats, écrit Alice Zeniter. Des traîtres. Des chiens. Des apostats. Des bandits. Des impurs. La France ne les appellera pas, ou si peu ». Les militaires français engagés dans la guerre sont eux aussi restés bouche cousue.

Sabrina Kouroughli adapte ce beau texte en concentrant l’action autour des liens entre Naïma, petite fille de harki, et Yema sa grand-mère kabyle. La jeune femme porte à la première personne le récit de sa famille, les souvenirs se chevauchent comme un puzzle à reconstituer avec en toile de fond la cuisine de Yema, brodeuse inlassable devant sa table en formica et en arrière-plan le tabouret ou siège de dos le grand père Ali, décédé depuis longtemps. En bord de scène la narratrice brise le silence, fait parler les disparus et nous embarque dans l’évocation de ce passé qui ne passe pas, la saison des nèfles en Kabylie, la peur, le camp de Rivesaltes, l’humiliation. C’est simple et limpide comme l’amour de Yema pour sa petite fille. Sabrina Kouroughli dans le rôle de Naïma tient la corde de bout en bout avec énergie, sensualité et humour. Elle danse ses émotions et nous fait comprendre par le rythme qu’elle arrive enfin à bon port. Fatima Aibout et Issam Rachyq-Ahrad, sont les grands parents qu’on aimerait tous avoir, d’une justesse et d’une humanité sans failles.

Cette adaptation aborde par petites touches la question de la transmission au sein des familles, ce qu’on se dit, ce que l’on cache, que les enfants découvriront plus tard. Par quelle alchimie intègre-t-on la perte ? Nous sommes tous issus d’un pays perdu, des bribes d’une histoire grandiose et pitoyable et comme Naïma « arrivés nulle part, nous sommes en mouvement, nous allons encore. » Harkis vient du mot Harka  qui signifie le mouvement en arabe.

 

© Gaëtan Vassart

 

L’art de perdre, d’après Alice Zeniter

Mise en scène : Sabrina Kouroughli

Son : Christophe Séchet

Collaboration artistique : Gaëtan Vassart

Jeu : Fatima Airbout, Sabrina Kouroughli, Issam Rachyq-Ahrad

Durée : 1h

Jusqu’au 30 septembre, mercredi et jeudi à 19h15, vendredi et samedi à 21h15

 

Théâtre de Belleville

16 Passage Pivert

75011 Paris

 

Tournée :

13 octobre 2023, Centre Boris Vian, Les Ulis (91)

20 octobre 2023, Musée national de l’immigration, Paris (75)

17 et 18 octobre 2023, Théâtre Jean Vilar Suresnes (92)

30 novembre 2023 à l’ABC, Dijon (21)

7 décembre 2023, Mont Saint Michel (50)

12 décembre 2023, Belfort (90)

Du 25 janvier au 9 février 2024, Théâtre Gérard Philippe, Saint Denis (93)

9 et 10 avril 2024, Niort (79)

13 avril 2024, Grasse (06)

16 avril 2024, Istres (13)

19 avril 2024, Hyères (06)

 

L’art de perdre d’Alice Zeniter, Collection J’ai lu, Editions de poche.

 

 

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