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L’art de conserver la santé, une pièce d’Ondine Cloez au Théâtre de la Bastille avec le Festival d’Automne

Oct 24, 2020 | Commentaires fermés sur L’art de conserver la santé, une pièce d’Ondine Cloez au Théâtre de la Bastille avec le Festival d’Automne

 

© Anne Lenglet

 

 

ƒƒƒ article de Nicolas Thevenot

Trois jeunes femmes s’exercent à un art qui nous échappe : un tambourin à la main, elles en usent comme d’une raquette et s’occupent à y faire rebondir des balles de la grosseur et de la couleur d’une orange, tout en se déplaçant, s’arrêtant, posant genoux à terre, se relevant, gambadant. Dans la contemplation de cette étrange activité, pendant cet entre-temps qu’est l’entrée du public, s’insinue déjà par ces trois corps de femmes affairées, à peine visible, impalpable, le tableau moyenâgeux de gentes dames livrées au plaisir du jeu en leur jardin. Et puis, pour qui sait se taire et tendre l’oreille, et prendre ce qui est offert comme une mise en bouche, il y a, dans ce prologue qui ne dit pas son nom ni ne cherche à faire forte impression, se détachant des sourdes conversations, la musique apaisante et reconnaissable entre toutes de gouttes d’eau qui tombent sur un toit. Ondine Cloez nous met comme si de rien n’était au diapason d’une écoute de l’infime, ce petit rien qui compose la musique de la vie.

Elles sont trois, les trois grâces, la trinité, le parfait tableau classique, elles sont trois amies. Ondine Cloez, Clémence Galliard et Anne Lenglet s’emparent d’un ouvrage anonyme du XIIIe siècle popularisant, sous forme de courts poèmes rédigés en alexandrins, les préceptes de l’École de Salerne dédiés à l’art de conserver la santé. Pour cela elles s’y prennent au pied de la lettre, si l’on peut dire. Et si l’on veut bien suivre le chemin qu’elles empruntent, les mots paraissent au chevet du corps, acquièrent eux-mêmes une corporéité, possèdent la matérialité du remède, sont comme des caresses, des compresses, des emplâtres, et paradoxalement sont aussi évanescents qu’un fragile chant.

Ondine Cloez et ses joyeuses comparses font œuvre d’archéologie, mobilisent avec un humour teinté de burlesque le corps d’aujourd’hui pour y dénicher celui d’antan, les traces de ses fonctionnalités et usages d’un autre temps. C’est à cet endroit précis que travaille L’art de conserver la santé, à ce croisement du corps et de l’âme, et pour cela mérite bien d’entrer dans la danse, quand bien même la danse des voix pourra se substituer à celle des corps.

Dans cette recherche, rien de présomptueux ou de prétentieux mais un ton qui est bien plus complexe que ce que l’on qualifierait rapidement de pince-sans-rire : il y a de l’innocence et de l’enfance qui se livre avec le plus sérieux du monde, une mélodie du savoir qui n’a pas peur d’embrasser la complexité et l’immensité de notre ignorance en les rapportant à l’échelle humaine. Un pas pour un siècle, en toute modestie. Dans cette excavation du corps de nos aïeux moyenâgeux, L’art de conserver la santé prend des chemins détournés, des raccourcis drôlissimes, des enchaînements inhabituels, et ainsi fait naître au plateau un corps impensé d’un loufoque inédit.

Tentons de caractériser ce qui fait la précieuse singularité d’Ondine Cloez. En filant la métaphore météorologique et en jouant sur les mots, Ondine Cloez, ce serait une esthétique de la bruine, plutôt que de l’ondée : non pas les grandes eaux tempétueuses et les éclats de rire comme des trombes, mais une fine atmosphère de gouttelettes, un sfumato, qui vous émoustille, vous stimule, en mille endroits, produisant des envies de sourire, des affleurements de rire, des gondolements de plaisir. Cet humour a la délicatesse de ne jamais se retourner sur lui-même, de ne jamais faire un sort d’une trouvaille, de laisser flotter les formes et non de les appesantir, de brouiller les pistes dans une luxuriance de sensations. En un mot, il y a de l’impressionnisme chez Ondine Cloez.

Une ronde, une ritournelle, un mantra : L’art de conserver la santé est tout cela, est un voyage de l’infiniment petit pour rejoindre l’infiniment lointain. C’est aussi une forme de réconciliation avec nous-mêmes, l’expérience d’un corps et d’une âme à l’unisson, voguant imperceptiblement jusqu’à ces temps anciens qui jamais n’auront été si lumineux. C’est un bienfait !

 

 

L’art de conserver la santé, chorégraphie Ondine Cloez

Interprétation Ondine Cloez, Anne Lenglet, et Clémence Galliard

Lumière Vic Grevendonk

Collaboration artistique et musicale Anne Lenglet, Clémence Galliard et Vic Grevendonk

Dramaturgie Marine Bestel

Collaboration artistique Jaime Llopis

 

Du 13 au 18 octobre 20, à 21 h sauf samedi à 19 h et dimanche à 17 h 

 

Théâtre de la Bastille

76 rue de la Roquette

75011 Paris

tél : 01 43 57 42 14

 

www.theatre-bastille.com

 

Tournée :

Du 12 au 15 novembre 2020 (horaires à confirmer auprès du théâtre)

Les laboratoires d’Aubervilliers

41 rue Lécuyer

93300 Aubervilliers

tel : 01 53 56 15 90

http://www.leslaboratoires.org

 

Du 8 au 12 décembre 2020

à 20 h 30 le 8 et le 9, 19 h 30 le 10, 19 h le 11 et 12 décembre

Les brigittines

Petite rue des Brigittines

Bruxelles (B-1000), Belgique

tél : +32 (0)2 213 86 10

http://www.brigittines.be/fr/

 

 

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